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Renegades, les nouveaux invincibles
9 tournois gagnés consécutivement, 32 victoires en 35 matchs disputés, aucune médaille d'or laissée à ses adversaires depuis bientôt un an et le début de la crise sanitaire. Ces performances, ce sont celles des Australiens de Renegades (malta, Sico, dexter, INS, Hatz) depuis mai 2020. Bloqués dans leur pays natal en raison de la pandémie, ils n'ont pas eu d'autre choix que de passer la vaste majorité de la saison à rouler sur leur scène nationale. Sans jamais céder, ou presque, face à des adversaires nationaux qui n'avaient plus qu'un seul but en tête : faire tomber l'ogre.
Une domination sans partage
Aucun d'entre eux n'y est parvenu. Renegades a raflé toutes les compétitions, depuis les ligues nationales jusqu'aux déclinaisons océaniques des tournois d'envergure, dont la tenue traditionnelle a été annulée suite à la propagation de l'épidémie.
Les résultats de Renegades entre mai et décembre 2020 - 90 227 $ remportés
05/2020 | ESL One Road to Rio Oceania | – 6 000 $ |
06/2020 | DreamHack Masters Spring Oceania | – 10 000 $ |
08/2020 | DreamHack Summer Oceania | – 17 500 $ |
08/2020 | ESL Australia/New Zealand Champs S11 | – 5 727 $ |
08/2020 | ESL One Cologne Oceania | – 10 000 $ |
09/2020 | Perfect World Oceania League Fall | – 12 500 $ |
10/2020 | ESL Pro League S12 Oceania | – 12 500 $ |
11/2020 | IEM Beijing Oceania | – 8 000 $ |
12/2020 | DreamHack Masters Winter Oceania | – 8 000 $ |
Au final, cela revient donc à neuf trophées de suite remportés entre mai et décembre, soit plus d'un par mois en moyenne. Très solide, alors que le dernier arrivé dans l'équipe, Hatz, n'avait pointé le bout de son nez qu'en janvier. Son intégration a sans doute été facilitée par l'absence de pression des lans et les affrontements contre des adversaires loin d'appartenir au top mondial, mais sur le plus long terme, la formation reste consciente qu'il lui manque encore des éléments pour présenter une machine parfaitement huilée face à de l'opposant de plus gros calibre.
Il aurait été plus efficace d’intégrer un joueur quand on avait encore l’opportunité de s’entraîner en Europe, parce qu’en Australie, on peut faire beaucoup d’erreurs sans être punis pour autant. Cette année aurait vraiment été plus bénéfique à ce niveau si on avait pu jouer à l’international, mais je trouve qu’on s’est bien débrouillés avec ce qu’on avait. On a d’abord essayé de développer de nouvelles stratégies et de modifier notre jeu entre chaque tournoi, mais on s’est rapidement aperçu que la meilleure façon de gagner ici, c’était de rester simple et de jouer avec les bases. |
Les bases, Renegades a eu le temps de les mettre à l'épreuve encore et encore contre les mêmes adversaires. Lors de ses neuf victoires en huit mois, la formation n'a affronté que dix adversaires différents. De quoi rendre les entraînements un peu compliqués, lorsque les partenaires de pracc' sont également les antagonistes des duels officiels.
C’était effectivement parfois compliqué de pracc' correctement, parce que les équipes qu’on retrouvait en play-offs ou en finale des tournois étaient typiquement les meilleures contre lesquelles s’entraîner... Donc par moment, on ne pouvait plus jouer contre elles du tout hors compétition. On a bien fini par mettre à profit la situation en trouvant un solide équilibre entre apprentissage théorique, développement de soi et de notre équipe, et évidemment, des scrims. On a essayé de s’entraîner contre des équipes asiatiques via un serveur basé à Perth, mais malheureusement la latence était trop importante pour pouvoir continuer. |
Malgré ces conditions un peu particulières et cet entre-soi poussé à l'extrême, personne n'a réussi à tenir la distance ou à s'imposer comme un concurrent réellement dangereux tant l'écart de niveau entre Renegades et le reste de l'Australie est resté grand.
dexter a été déterminant dans le succès de Renegades en 2020
La concurrence loin dans le rétro
Cette place de top 1 incontestée, tout le monde l'attendait. Le coeur de cette version de Renegades a déjà connu cette situation lorsqu'il jouait chez Grayhound, remportant l'énorme majorité des qualifications pour les tournois internationaux, s'immiscant dans ces derniers pour piquer une map ou deux au top monde, et cumulant ainsi les séjours en Europe ou en Amérique où le niveau est bien plus relevé. D'ailleurs, les principaux concernés étaient initialement bien contents de revenir jouer à la bagarre sur leur scène nationale pour constater l'évolution du paysage.
Jusqu’à présent, lors d’une année normale, on passait la plupart de notre temps à l’étranger et on ratait les compétitions nationales en Australie. À force, notre équipe a acquis beaucoup d’expérience en s’entraînant à l’international (particulièrement en Europe). A cause de ça, on avait rarement l’occasion de suivre comment la scène australienne progressait, donc ça a été plutôt sympa de pouvoir retourner aux sources, et de nous mesurer à nos compatriotes en ayant les mêmes conditions d’entraînement. |
Rapidement toutefois, le suspense n'a plus lieu d'être. Renegades a toujours une, deux, dix longueurs d'avance sur ses rivaux nationaux. Le trio ORDER - AVANT - Chiefs, qui s'est battu toute l'année pour la médaille d'argent et constitue le haut du panier lorsque les hommes de dexter ne sont pas là, a enregistré 23 défaites en 25 matchs. Seule ORDER a réussi, deux fois, à vaincre l'ennemi juré. Mais jamais en grande finale.
Les confrontations de Renegades entre mai et décembre 2020
(les cartes gagnées/perdues par défaut, lorsque l'équipe sort du winner/loser bracket
et se retrouve en grande finale, ne sont pas comptabilisées)
Adversaire | Matchs joués |
Matchs gagnés |
Matchs perdus |
Maps gagnées |
Maps perdues |
ORDER |
11 | 9 | 2 | 21 |
6 |
AVANT |
8 | 8 | - | 16 |
5 |
Chiefs |
6 | 6 | - | 12 |
1 |
Rooster |
3 | 3 | - | 7 |
1 |
TRUCKERS WITH ATTITUDE |
2 | 1 | 1 | 2 |
2 |
Ground Zero |
1 | 1 | - | 2 |
- |
Generation of Miracles |
1 | 1 | - | 2 |
- |
Paradox |
1 | 1 | - | 2 |
- |
Downfall | 1 | 1 | - | 2 | - |
VERTEX |
1 | 1 | - | 2 |
- |
10 adversaires différents | 35 | 32 | 3 | 68 | 14 |
Pour Renegades, l'écart entre elle et le peloton s'est toutefois resserré au fil des mois. En mettant au point des antistrat' spécifiques, ses opposants lui ont titillé les mollets. Pas de quoi arracher une première place pour autant. Et peut-être pas non plus de quoi sortir réellement grandi de cet épisode pour eux.
Il est inévitable que l’écart se réduise peu à peu quand on est la meilleure équipe et qu’on joue exclusivement contre le même petit groupe d’équipes. On devient la cible à abattre et nos actions sont beaucoup plus analysées. Et puis, être n°1 signifie aussi qu’on a le « privilège » de ne pas pouvoir jouer contre des équipes plus fortes que nous. L’écart a effectivement diminué, mais je pense qu’on est tout de même parvenus à garder une certaine avance. Malheureusement, je trouve que la compétition sur CS a de plus en plus pour unique objectif de battre certaines équipes, plutôt que de jouer au jeu en lui-même. On a évidemment senti que les autres bonnes équipes de la région avaient pour seul but de nous battre, et qu’elles adaptaient leur jeu petit à petit pour pouvoir nous contrer. Je pense que ça les a affaiblies sur le long terme, parce qu’elles n’ont pas développé leur jeu en se basant sur les bons fondamentaux. Au final, elles se sont parfois retrouvées en difficulté contre des adversaires plus faibles, tout en ayant des matchs plus serrés contre nous. |
La force de Renegades a aussi été de ne jamais perdre lorsque l'enjeu était le plus fort. Deux de ces trois défaites (une contre ORDER, une surprenante contre les magnifiquement nommés TRUCKERS WITH ATTITUDE) sont intervenues en winner bracket, ce qui laissait à l'équipe une chance de se rattraper ensuite. La troisième (une nouvelle face à ORDER) a eu lieu lors d'un match ne servant qu'à définir des seeds pour la prochaine étape du tournoi.
Les trois défaites de Renegades entre mai et décembre 2020
Date et compétition | Adversaire | Score |
09/06/2020 – ESL ANZ Champs S11 | TRUCKERS WITH ATTITUDE |
0-2 (14-16 / 06-16) |
17/06/2020 – ESL ANZ Champs S11 | ORDER |
1-3 (0-1 / 13-16 / 16-10 / 12-16) |
03/12/2020 – DH Masters Winter Oceania | ORDER | 1-2 (16-04 / 13-16 / 06-16) |
En revanche, lors des finales ou des quelques rencontres de loser bracket qu'ils ont du disputées, malta & Co ne rigolaient plus et enchaînaient les 2-0 ou 3-0. Un seul adversaire leur aura causé, par deux fois, de grandes frayeurs, AVANT. Lors de la DH Masters Spring, cette dernière se hisse en grande finale, jouée en Bo5, et remporte les deux premières maps. Renegades se reprend pour mettre la main sur les deux autres et la coupe, étant donné l'avantage initial de 1-0 que lui conférait sa venue du winner bracket.
Une image qui est beaucoup revenue en 2020
Six mois plus tard, AVANT passe encore plus près en finale du loser bracket de la DH Masters Winter. Elle mène 12-3 sur Overpass, dernière carte, au moment de passer en attaque. Renegades va alors sortir son comeback de l'année, dans la foulée d'un dexter à 35 frags, pour ne pas connaître une élimination prématurée du dernier tournoi de la saison. Score final, 19-17, et des regrets, évidemment, pour AVANT. Mais en 2020, Renegades ne laissait rien échapper.
Une invincibilité... futile ?
Au final, tous ces succès, toute cette domination, c'est très bien, mais l'année de Renegades a-t-elle vraiment été constructive ? Elle était n°1 en Australie avant la pandémie, elle l'est toujours après, en ayant cassé les dents de tout le monde pour le rappeler... Et maintenant ?
Pour l'équipe, gagner reste le principal, qu'importe l'adversité ou le contexte. S'il faut marcher sur l'Australie pour continuer à exister sur la scène, elle le fera. S'il faut à nouveau venir se faire remettre en place par les meilleures formations du monde lors de tournois internationaux, elle le fera aussi. Un déménagement de sa terre natale, afin de s'installer aux États-Unis ou en Europe et ainsi pouvoir jouer quotidiennement contre du plus haut niveau, n'est cependant toujours pas au programme.
Covid ou pas, notre objectif est toujours de faire du mieux qu’on peut. Si ça signifie gagner sur la scène australienne pour conserver notre place de n°1 locale, alors c’est ce qu’on va faire. Malheureusement, le virus rend les voyages à l’étranger compliqués depuis l’Australie, mais si l’opportunité se présente de se rendre à nouveau à un tournoi international pour lequel on s’est qualifiés (ou auquel on est invités), alors on fera tout notre possible pour y aller et jouer. Beaucoup sous-estiment toutefois l’impact d’un bon moral sur la progression d’une équipe, et s’éloigner de nos familles, nos amis ou nos partenaires serait une véritable épreuve psychologique pour la plupart d’entre nous. Avant la pandémie, on avait trouvé le parfait équilibre entre travail et vie privée. On croise les doigts pour que ça revienne rapidement à la normale. |
Justement, en ce mois de février, pour la première fois depuis un an, Renegades va retrouver le gratin, le vrai. Les Australiens viennent sur le Vieux Continent pour tenter leur chance au Play-In des IEM Katowice, disputés en ligne en 2021, un an après avoir été privés de public lorsque le virus commençait activement à circuler.
À moins d'un parcours exceptionnel, Renegades devrait perdre son invincibilité et ne pas terminer à la première place d'un tournoi auquel elle prend part. L'Europe risque de lui réserver un accueil brutal et l'équipe en a conscience. Une saison sans contact avec la crème de la crème laisse des traces, même si l'entraînement sur place au préalable pourrait permettre de limiter les dégâts.
L'écart s’est creusé, c’est sûr, mais on espère rattraper notre retard avec un gros bootcamp. On a l’habitude des écarts, et on sait qu’on peut les combler en travaillant dur, donc je suis confiant pour la suite, je sais qu’on reviendra au niveau rapidement. Il est vrai que le fait de jouer seulement en Australie pendant aussi longtemps nous a donné quelques mauvaises habitudes, mais je sais que chacun sera capable de les identifier et de les corriger après quelques semaines de pracc' à l’étranger. |
Autre difficulté toutefois, un peu plus imprévue cette fois-ci, le départ de dexter pour mousesports, officialisé quelques jours seulement avant le Play-In. Le leader-in-game rejoint ainsi mithR, coach danois de mouz, qui avait occupé ce poste chez Renegades durant quelques mois en 2020, à distance.
mithR nous a principalement apporté une certaine structure et une culture d’équipe, qui n’ont malheureusement jamais pu être utilisées à l’international. Il a été un acteur indépendant et neutre, qui pouvait jouer en tant que coach, servir de médiateur au sein de chaque discussion et apporter son aide un peu partout. Ça nous a été très bénéfique. Je ne pense pas que la distance ait joué un rôle dans son départ. Je pense simplement que l’offre de mousesports était plus intéressante. |
dexter était une pièce maîtresse de l'effectif australien, tant en termes de puissance de feu que de stratégie. Le remplacer ne va pas être une mince affaire, surtout en si peu de temps. Pour relever le défi, Renegades mise sur aliStair, un joueur dont elle a croisé la route à maintes reprises l'an dernier, celui-ci évoluant jusqu'alors chez ORDER.
Petite facétie du destin, le premier adversaire des "Boys" sur la route de Katowice sera mousesports. Qu'importe le gagnant, une partie de la version 2020 de Renegades pourra ainsi continuer, au moins un match de plus, sur la route de l'invincibilité.
Merci aux joueurs Renegades pour leurs réponses, ainsi qu'à Miles pour la traduction
C’est drôle j’avais relevé le même passage. C’est un cercle vicieux. Quand tu es dans un entre-soi (la scène australienne) avec une hégémonie claire (la domination de Renegades), tu ne peux pas échapper à la nécessité, pour sortir de cet entre-soi, de surpasser l’équipe dominante. Sauf que la construction d’un jeu spécifique est inefficace contre d’autres équipes...
En réponse à Isiana #1 - Répondre à ce commentaire
Coucou North ! Astralis vous fait la bise :D
En réponse à Isiana #1 - Répondre à ce commentaire
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Je trouve ce passage de l'interview très intéressante, c'est un schéma que je trouve on a pu voir chez certaines équipes européennes où il y avait une forte communauté (fr, danoise, suédoise, etc.) :)