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Voir Counter-Strike avec Maciej Kolek, photographe (2/3)

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Deux ans et demi après la parution du magazine VaKarM, fin 2021, nous avons décidé de mettre en ligne les principaux articles le composant, histoire d'en faire profiter ceux qui ne l'avaient pas commandé à l'époque. Ne vous étonnez donc pas si ces articles vous disent quelque chose, il est possible que vous les ayez déjà lus sur papier !

Interview réalisée en mars 2021 par MrHusse

Comment t’es-tu lancé dans la photographie ? Est-ce que tu as toujours été un photographe esport ou est-ce que tu as commencé dans un autre domaine ?

Je ne me rappelle pas vraiment de mon premier contact avec la photographie, si ce n’est les appareils photos analogiques que j’utilisais quand j’étais enfant pendant les vacances d’été. Mais j’ai été très influencé par mon père durant mon enfance, il était passionné de photographie dans sa jeunesse et c’est là que j’ai commencé à m’y intéresser.

Mes premières photos professionnelles remontent à 2011, lorsque j’ai pu signer mes premiers contrats pour travailler dans les studios de danse de ma ville natale. Durant cette période, j’ai aussi gagné beaucoup d’expérience en étant bénévole chez les scouts de ma région. Au bout d’un moment, j’ai commencé à donner des cours de photographie, et c’est là que je me suis senti suffisamment confiant pour me lancer dans le business des photos de mariage.

La photographie esport, c’est arrivé un peu plus tard, après les EMS Katowice 2014. J’étais chez moi, je regardais et j’écoutais le TeamSpeak des Polonais de Virtus.pro alors qu’ils étaient en finale. À partir de ce jour, mon seul objectif était de me retrouver à côté de ces joueurs sur une scène. Et comme mes talents de joueur et la probabilité que je devienne pro étaient inexistants, la photographie fut ma façon d’intégrer l’esport.

Le premier événement qui m’a permis d’accéder à mon rêve furent les finales des LCS EU Summer Split à Cracovie, en Pologne. Grâce à mes expériences précédentes et mon portfolio, j’ai eu la chance d’obtenir une accréditation media pour la lan. Même sans l’accès à la scène, qui était à presque deux mètres de haut, j’ai pu capter des photos très importantes pour moi.

J’ai fait le choix de publier gratuitement mes photos pendant et après l’événement afin qu’elles soient utilisées par les médias esport, ce qui m’a permis de bâtir mon portfolio et d’obtenir mes premiers contrats payés.

Quelle est la spécificté de la photographie esport ? Quelles sont les difficultés pour prendre une belle photo dans l’esport ?

La photographie esport est tout à fait unique, et en même temps ça ressemble beaucoup à d’autres domaines comme les concerts. Il y a notamment les mêmes problèmes autour de l’éclairage, que tu ne contrôles pas, dans des arènes souvent très sombres avec quelques spotlights très puissants vers la scène. De même, l’accès à la scène est souvent complexe, pour ne pas dire impossible.

Et en même temps, tu affrontes des problématiques très particulières : tu dois prendre en photo des gens assis devant un écran qui ne bougent que leurs doigts et leurs yeux, ne montrant pas toujours leurs émotions. Je pense qu’être capable de capturer ces moments rares, savoir lorsqu’ils pourraient arriver, est le plus gros challenge pour un photographe dans l’esport.

Aussi, tu ne peux pas utiliser de flash. Certains photographes traditionnels ont préféré rompre leur contrat quand ils ont entendu ça. Ca m’est arrivé de voir le photographe d’un grand média prenant des joueurs en photo pendant un match, en utilisant un flash dans leur direction.

Quel type d’appareil et d’objectif utilises-tu pour l’esport ?

En ce moment, j’utilise un full frame avec plusieurs objectifs. Un de mes appareils est mirrorless, ce qui a révolutionné ma façon d’avoir un bon focus dans les situations de faible lumière, et je pense que je vais privilégier ce matériel pour 2021.

En termes d’objectifs, j’utilise autant des primes que des zooms, ça dépend des événements. Mon objectif favori est un 50mm Sigma ART qui est extrêmement pointu, à l’aise dans l’obscurité et versatile de manière générale.

Mais peu importe si tu utilises des primes ou des zooms dans tes photos : la photographie esport demande avant tout d’être capable de capter le moindre rayon de lumière, donc des objectifs compatibles avec l’obscurité sont une nécessité.

Est-ce que tu as des influences majeures parmi d'autres photographes ?

Si on parle de la photographie en général, je pense que les anciens posts de blog de Jeff Cable, qui était connu pour son travail dans le sport et les mariages, furent ma première inspiration. Sur les photos de mariage, j’ai beaucoup suivi les travaux de DR5000, un duo de frère et soeur polonais. Leur style documentaire et leurs couleurs correspondaient à mes goûts de l’époque.

Aujourd’hui, j’adore le style et la chaine YouTube de Sean Tucker, de même que les leçons en ligne de Pye Jirsa et Lindsay Adler, qui ont changé ma façon de travailler en studio.

Dans l’esport, j’apprécie beaucoup Rich Lock, qui a un style unique. Ses photos sont, pour moi, les meilleures dans l’industrie et je suis très content qu’il ait remporté l’Esports Photographer of the Year Award.

Parmi toutes les photographies que tu as prises, quelle est ta favorite ?

C’est difficile d’en choisir une. Je pense que tous les photographes aiment certaines photos jusqu’à ce qu’ils en prennent une meilleure, jusqu’à ce qu’ils fassent ce qu’ils considèrent comme leur photo de rêve.

Je pense souvent aux photos les plus influentes de ma carrière quand je regarde mon portfolio. J’en vois rapidement trois. La première, c’est une photo des finales LCS EU, où G2 Esports soulève la coupe après sa victoire. Celle-là, j’y suis attaché car c’était mon premier trophy shot, qui est un plan classique pour les photographes dans l’esport.

La seconde, c’est une photo de ByuN, un joueur pro de Starcraft 2 qui venait de perdre un match sur scène aux IEM Katowice 2017. Pendant le match, il ne trahissait aucune émotion. Mais après la défaite, il est resté dans cette position, avec les veines apparentes, pendant au moins sept minutes.

 

La troisième va peut-être surprendre les gens, mais je l’ai prise lors de ma dernière lan avant le Covid en 2020. J’ai eu la chance de pouvoir travailler lors de la BLAST Premier à Londres. Après une des pauses, les joueurs d’Astralis revenaient sur scène et j’ai pu prendre gla1ve plongé dans ses pensées. Étant fan de la photo noir et blanc, ce cliché fut une influence majeure pour mon nouveau projet.

 

Ce nouveau projet se base sur des clichés en noir et blanc de joueurs pro, dans un style qui n’est pas sans rappeler celui du célèbre photographe Platon. Est-ce qu’il t’a influencé ?

Il n’y a pas vraiment eu d’influence externe sur mon projet, en dehors du fait que j’adore les photos en noir et blanc qui insistent sur le sujet. Généralement, les couleurs associées à l’esport tournent autour du bleu et du rouge sur les scènes, avec quelques couleurs en plus issues des écrans. On ne voit les pros qu’en tant que joueurs, avec leurs nez collés à l’écran, concentrés sur le jeu. Même lorsqu’on les voit représentés en dehors du jeu, c’est souvent dans des photos où ils portent leur casque.

L’idée simple que j’ai eue, c’était de les montrer comme des gens normaux, sans les couleurs et les distractions. Je voulais les immortaliser au sommet de leur carrière, pour qu’ils se souviennent de ce à quoi ils ressemblaient, pour qu’on puisse se rappeler des racines de l’esport lorsqu’on discutera avec nos petits-enfants.

J’espère vraiment pouvoir mener ce projet à l’échelle internationale dans le futur pour ne pas seulement témoigner de la scène polonaise, mais capturer les personnages les plus importants du monde de l’esport.


Janusz "Snax" Pogorzelski

 

Par définition, l’esport n’est pas l’activité la plus dynamique à regarder, ce sont juste des gens assis devant leur ordinateur. Comment rendre ça attrayant et diversifié ? Comment faire pour ne pas prendre toujours les mêmes photos ?

Jusqu’à un certain point, on ne peut pas éviter la répétition dans l’esport. À chaque lan, les joueurs peuvent arriver avec un nouveau maillot, les organisateurs veulent des photos fraîches, donc il y a une liste de clichés basiques que tu dois faire à chaque événement.

Après avoir rempli ce genre d’obligations, tu peux commencer à laisser ton imagination et ta créativité parler. Et crois-moi, quand t’as l’impression de te répéter en permanence, tu vas rapidement avoir besoin de faire quelque chose d’unique, de créatif.

Tes photos paraissent très intenses, très dynamiques. Comment captures-tu cela ?

Comme je le disais plus haut, photographier l’esport, c’est chasser des instants. Tu ne pourras pas savoir quand ces instants vont arriver si tu n’es pas prêt, si tu n’as pas fait de travail de préparation en amont. Chaque match a ses moments uniques : il faut être proche des joueurs lorsque leurs actions dans le jeu peuvent les amener à montrer leurs émotions, mais il faut aussi savoir lorsque rien ne va se passer, quand tu pourras aller travailler en coulisses pour retoucher tes photos.

Connaître ces timings, savoir sur quel joueur se concentrer, ça fait partie du travail de prépapartion en amont qui ne doit pas être négligé si tu veux prendre les plus beaux instantanés. C’est pour ça qu’en lan, tu verras souvent les photographes avec les yeux rivés sur le grand écran, avant de se retourner rapidement et d’équiper leur appareil. La préparation et la connaissance du jeu, c’est la clé.

On voit souvent les mêmes photos dans l’esport : des plans larges sur la foule, des gros plans sur les joueurs, etc. D’après toi, quel pourrait être le futur de la photographie esport ? Est-ce qu’il y a un domaine inexploré ou un style inusité qui pourrait prendre de l’importance à l’avenir ?

Je pense qu’on va continuer à voir beaucoup ces mêmes clichés parce que chaque événement est différent mais tous tournent autour du même sujet. On pourrait regarder du côté des sports traditionnels : est-ce que la photographie a beaucoup changé dans ces domaines depuis vingt ans ?Je pense que cette standardisation arrivera encore plus rapidement dans l’esport, mais qu’on pourra conserver cette étincelle créative qui permet de créer quelques photos uniques à chaque lan.

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