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Happy, de la lumière à la galère

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Deux ans et demi après la parution du magazine VaKarM, fin 2021, nous avons décidé de mettre en ligne les principaux articles le composant, histoire d'en faire profiter ceux qui ne l'avaient pas commandé à l'époque. Ne vous étonnez donc pas si ces articles vous disent quelque chose, il est possible que vous les ayez déjà lus sur papier !

Interview réalisée en mai 2021

À son apogée en 2015, il fut le meilleur au monde quand il s’agissait de combiner lead in-game et frags. Et puis après avoir gagné deux Majors, les choses commencèrent à changer pour Happy. La machine EnVyUs ne redémarre plus, l’aventure Vitality s’avère éphémère, l’année passée chez LDLC se révèle cauchemardesque. Acclamé dans la victoire, le meneur tombe alors sur la route du doute. Il doit faire face aux défaites qui s’empilent, aux critiques sur son lead, aux mésententes internes et à l’inévitable remise en question. Maintenant que sa carrière sur Counter-Strike semble derrière lui, Happy revient sur ces dernières années et ce qui n’a pas marché.

Lors de la fin d’EnVyUs en France, à l’été 2018, tu avouais que certaines raisons pour lesquelles l’équipe (Happy, SIXER, ScreaM, RpK, xms) ne marchait plus restaient mystérieuses. Trois ans plus tard, est-ce que tu arrives mieux à identifier ce qui ne fonctionnait pas ?

Il y a toujours ce qu’on dit en interview publique, et la part un peu plus cachée des raisons qui font que les équipes se font et se défont. Je ne suis pas là pour raviver d’éventuelles tensions ou problématiques. Je pourrais tout mettre sur le compte des individualités qui ne fonctionnaient pas ensemble, qu’il y avait un manque de compréhension entre les joueurs eux-mêmes, les joueurs et le leader aussi. À la fin, ça donnait quelque chose d’assez branlant, où il n’y avait plus que des doutes et très peu de certitudes, alors que ce n’était pas le but lors de la création de la line-up.

Après, c’est vrai que la création en elle-même avait été un mishmash de joueurs qui n’étaient plus dans des équipes : ScreaM n’avait pas été retenu chez G2, moi j’avais trois joueurs qui étaient partis d’EnVy (ndlr : kennyS, apEX et NBK, recrutés par G2). Ensuite, dans la première version, il restait xms et SIXER. xms, c’était un peu un up-and-comer, on s’est vite rendus compte qu’il manquait cruellement d’expérience et qu’il était... J’ai toujours apprécié Alex (xms), c’est quelqu’un de très gentil, c’est impossible de s’embrouiller avec lui, mais c’est vrai qu’il y a eu des événements qu’on pourrait qualifier de "sautes d’humeur" dans le début de sa carrière, qui n’ont pas aidé.

Ces problèmes ne sont pas la majorité des problèmes, mais ça a définitivement apporté sa part. La base de la fondation n’était pas la plus claire et la plus enviable possible, même si je pense qu’on était tous, à plusieurs moments, très contents de jouer ensemble et de se connaître. On était quand même à haut niveau, on voyageait beaucoup, on passait beaucoup de temps ensemble, on s’appréciait. Je pense qu’il n’y avait pas d’antagonisme particulier dans l’équipe. Mais c’est vrai qu’in-game, il y avait des divergences certaines à travers les joueurs, les joueurs et le leader, puis après la triangulaire coach-leader-joueurs.

Donc base pas forcément la plus solide, et manque de symbiose. D’habitude, tu vas toujours avoir un leader et son co-leader, ou un binôme de joueurs qui fonctionne bien avec le reste du groupe. Ça, c’est vrai qu’on ne l’avait pas. Et ensuite, ça a été la descente aux enfers, quand on a décidé d’écarter SIXER et Alex pour prendre hAdji et... je ne sais plus c’était qui le dernier ?

Vous reprenez kioShiMa à la fin.

On reprend kio, c’est ça. En fait, on avait dû faire un an avec cette première version, et on avait fait de mauvais résultats mais... Ça fait longtemps, j’ai rien à défendre, mais je pense qu’on a peut-être été jugés trop durement. C’est certain et clair qu’il y avait des soucis dans la line-up, mais quand tu regardes d’un peu plus près, on a quand même eu des périodes de développement très important. Je me souviens de plusieurs semaines de qualifications online où on sentait vraiment qu’on avait relancé des dynamiques et qu’on jouait bien à CS. Mais en lan, on arrivait souvent à ce manque du petit quelque chose qui fait que tu vas prendre la confiance, faire un bon résultat, et ensuite tout va s’enchaîner comme dans une équipe tier 1.

Je me souviens qu’on avait fait une espèce de marathon de quatre semaines où on s’était qualifiés pour quatre événements. Ça avait commencé par une DreamHack Masters, à Malmö. Je crois qu’on perd contre G2, 16-13 sur Inferno, et ensuite 16-12 contre fnatic sur Cbble (ndlr : 16-13 en réalité). C’est pas des résultats ignobles, c’est pas comme si on n’avait pas, à un moment donné, les games en main, mais c’est juste qu’il nous manquait ce petit truc.


Les mauvais souvenirs de Malmö

Mykonos, je crois qu’on s’était fait complétement rouler dans la farine (ndlr : top 7/8 après deux défaites contre Virtus.pro et BIG), et ensuite on avait enchaîné avec l’ESL One New York. Et pareil, on passe à un match de se qualifier en play-offs (ndlr : EnVyUs aurait en fait dû gagner une autre rencontre ensuite pour atteindre les play-offs). C’était contre SK, les Brésiliens. Je me souviens de ce match sur Cbble, un des joueurs est middle, et si le round est gagné, je pense qu’on s’en va avec la game. Mais il fail de dos, alors que c’est vraiment pas un joueur réputé pour fail. Au moment où le destin de l’équipe était en train de se décider, à chaque fois, on a raté les étapes. Et on arrive à un résultat qui est en effet, sur toute une année, sans trophées, sans très bons placements.

Mais je pense qu’on a été jugés un petit peu trop durement. ScreaM sortait de G2 avec shox, il avait été le binôme de l’année, tout le monde en parlait. Moi, j’avais quand même une assez grosse réputation. RpK, ça a été au final la seule grosse surprise individuellement, je pense qu’il a fait une de ses meilleures années chez EnVy en termes de perfs individuelles. Voilà, on n’avait pas forcément les meilleurs ingrédients. On n’a définitivement pas fait les meilleurs résultats mais cette version-là, j’en garde quand même un souvenir où je trouve ça très dommage que l’on n’ait pas réussi à remporter ces matchs clés qui, pour moi, auraient changé complètement la donne.

Après, on en vient à la dernière version d’EnVy avec les deux changements. L’équipe ne dure pas très longtemps, on se rend compte que le changement n’apporte pas une solution bénéfique immédiate dans la manière qu’on avait d’aborder les thématiques de jeu, les problèmes et la manière de jouer en général. On se rend compte que les problèmes de compréhension et de mésentente sont de plus en plus mis en exergue.

À la fin, ça explose d’impossibilité et d’incompatibilité. Le petit clin d’oeil, c’est que des gens qui se sont sentis très proches les uns des autres à certains moments, bizarrement, n’ont pas continué leur carrière ensemble. Ce que je trouve au moins ironique, si ce n’est triste. Cette période a été courte, entre le kick de SIXER et Alex (xms) et la fin d’EnVy, il n’y a pas eu énormément de temps, de mémoire.

Il y a trois-quatre mois.

Trois-quatre mois d’équipe... Je pense qu’au bout de deux, on savait, ou en tout cas on sentait. La seule petite déception que j’ai, c’est à la DreamHack Marseille, où on bat G2 qui était en plein turmoil, le désespoir, ça tentait tout et n’importe quoi. On les bat alors que pas beaucoup de gens misent sur notre victoire.

Ça m’a fait beaucoup de bien, même si c’est vraiment ridicule comme victoire, c’est juste un bo1. On les élimine, vu qu’on est en lower, et ça aurait pu relancer une dynamique si derrière on ne se ratait pas contre FaZe (ndlr : EnVyUs s’inclinera 14-16 / 3-16 et sera éliminée). Mais je pense qu’en vrai, dans la tête de certains joueurs, le sort de l’équipe était déjà scellé quoi qu’il se passe. Ou en tout cas le sort du coach, maLeK, qui n’est pas resté longtemps derrière. Je pense que ça ne sert à rien de trop s’étendre dessus parce qu’il n’y avait ni résultats, ni bonne entente, ni rien. Les gens ont fait leur bonhomme de chemin.

Avec maLeK, vous aviez déjà évolué ensemble dans un système leader-coach au tout début de CS:GO, chez eXtensive. Comment tu définirais ta relation avec lui, alors que vous n’avez jamais joué ensemble ?

Je pense qu’on avait un fond commun qui permettait des discussions plus poussées. Après, je pense qu’il y a eu des divergences de méthode. Ce n’est pas le même rôle, coach et leader, tu n’appliques pas les mêmes raisons de la même manière. C’est peut-être là où on était plus divergents.

Au final, sa première année avec EnVy, c’était le moment où il se remettait au coaching depuis très longtemps. En fait, on a été son équipe crash test. Je ne dis pas ça négativement, je dis juste qu’il s’est fait les dents à son poste avec ce job chez EnVy. C’est là où il s’est remis dans le bain, avec ce collectif, ce qui lui a permis derrière d’avoir le court laps de temps chez 3DMAX où il a pris beaucoup de confiance, et puis la transition chez G2.

En fait, Damien (maLeK), c’est un peu la seule personne avec qui je pouvais parler du jeu de manière approfondie. On passait beaucoup de temps ensemble parce qu’on était des binômes de chambre de manière la plus fréquente possible. Les discussions dans l’équipe, du jeu, tournaient en général autour de nous deux. Ce n’étaient pas forcément des discussions très ouvertes au reste de l’équipe. Est-ce que c’était parce que les joueurs n’étaient pas dedans, ou parce qu’on ne prenait peut-être pas assez le temps de les faire rentrer dans le système ? Ça, déjà je m’en fous, et puis c’était juste un fait, il y avait une petite déconnexion sur ce sujet. Mais oui, bonne relation, je pense qu’on s’entendait bien, et quand tu passes autant de temps avec quelqu’un, c’est qu’il y a forcément quelque chose.

Ça s’est quand même mal terminé. Je pense que quand il est parti, c’était avec une certaine hostilité, des fois avec moi, et assez avec le reste de l’équipe. Je pense qu’il est parti sur des querelles qui n’avaient pas été résolues, des incompréhensions. C’est vrai que son évincement, quand tu étais dans le contexte de l’équipe, que tu en faisais partie, faisait sens, du point de vue de l’entente. Au niveau du jeu, il avait lui-même compris qu’il y avait quelque chose qui coinçait et qu’il n’arrivait pas à décoincer, soit parce qu’il n’avait pas les outils, soit parce qu’il n’avait pas la confiance des joueurs, soit parce qu’il a essayé ce qu’il pouvait et les incompatibilités sont parfois trop grandes. Mais globalement, je pense qu’il n’y a jamais eu d’énormes problèmes entre lui et moi.

EnVy se termine et quelques mois plus tard, tu rebondis chez Vitality où le rôle de leader est pris par NBK. Est-ce que c’était un soulagement pour toi de lâcher ce poste après trois ans compliqués chez EnVy ?

Soulagement, non, ce n’est pas le sentiment que j’utiliserais. J’étais curieux de voir ce que Nathan (NBK) était capable de faire après X temps dans une équipe complètement différente. Nathan, ça reste quand même un bon vendeur, et la manière dont il a amené le projet à moi et Céd’ (RpK), ça avait l’air extrêmement clair, naturel et pensé. Du coup, il y avait une vraie curiosité de voir ce que ça allait donner. Moi et Céd’, on s’est toujours bien entendus in-game – de mon point de vue –, donc il n’y a pas eu de doutes quand on nous a proposé cette offre. À l’époque, j’étais chez Tempo Storm, en train de tester une line-up inter’ pour la première fois. Céd, je lui avais proposé, mais son niveau d’anglais était impossible.

Est-ce que ce n’était pas trop dur de quitter tes habitudes de leader, de ne plus être le plus vocal ? Est-ce que tu as eu besoin d’un temps d’adaptation ?

Je ne pense pas que ça m’ait affecté mais, de manière paradoxale, je pense que ça ne m’a jamais quitté. Parce que l’époque chez Vita, ce n’est pas la plus appréciable pour moi in-game. Je ne me suis jamais senti à ma place. Je pense que c’est un de mes plus grands regrets, cette période chez Vita. J’aimais la line-up, j’aimais beaucoup ZywOo. Mathieu (ZywOo), dès les premières fois où on avait joué ensemble, quand il était passé vite fait chez Tempo pour tester au début, je savais que c’était ce qui se faisait de mieux, tout simplement. S’il n’y en a qu’un à sauver, c’est lui. Pour le coup, il avait tout. Même s’il manquait encore un peu d’expérience, il avait déjà beaucoup de savoir-faire, d’intuition, en plus de son skill. Au-delà de ça, je l’ai toujours répété, c’est quelqu’un de vraiment gentil. Ça peut te faire bizarre quand tu as joué avec autant de joueurs plus ou moins talentueux, ce n’est pas forcément la qualité qui revient le plus.

Mon plus grand regret, c’est d’avoir essayé quelque chose, une manière de faire, et me rendre compte que ce n’était pas vraiment moi, et ça n’a pas marché. Du coup, je m’en suis voulu de ne pas avoir essayé à ma manière, d’avoir donné dans cette direction. La fin, peut-être qu’en la connaissant, ça aurait été la même, mais au moins je me serais dit "là, c’était pas possible", j’aurais essayé dans mon sens.

Peut-être qu’ils ne s’en souviennent pas, peu importe, mais je sais que je ne savais pas trop où me mettre dans cette line-up. Ce n’était pas par rapport au lead, c’est plus par rapport à l’esprit général. J’avais du mal à fit in, à m’assimiler à leur manière de faire. Ce n’était pas forcément dans la tactique, la stratégie, mais j’avais juste du mal dans mes positions, dans mon rôle. J’ai eu du mal avec cette line-up et c’est très dommage parce que j’aurais voulu voir ce que ça donnait si on avait continué.

Quand XTQZZZ t’annonce ton éviction, ça ne t’a pas forcément surpris au vu de ton intégration compliquée ?

En vrai, si, parce que ça se fait très vite. J’ai dû jouer avec eux trois ou quatre mois. Notre seule sortie en lan, une DreamHack Atlanta, n’était pas un tournoi tier 1 mais on la gagne relativement facilement vu la préparation et ce qu’on avait. Ça m’a quand même surpris dans le sens où on aurait pu continuer à essayer de faire fonctionner le cinq de base. C’est vrai qu’en rétrospective, c’est un 50/50 : j’ai été surpris sur le moment, mais j’imagine que les discussions avaient été faites.

J’ai été surpris parce qu’il n’y avait eu aucun signe ostentatoire d’incompatibilité, et on sortait d’un bootcamp qu’on avait fait en région parisienne. On partait avec des objectifs. Quand tu pars avec des objectifs, tu comprends bien que la fin d’une équipe, ce n’est pas la première chose à laquelle tu penses. Mélange de surprise et de déception.


DH Atlanta 2018, ZywOo soulève son premier trophée international, Happy son dernier
(photo : HLTV)

 

Comment tu te sentais mentalement après l’enchaînement fin d’EnVy - kick de Vitality ? Tu étais au fond du seau ou tu avais espoir de continuer ailleurs ?

C’était une période très compliquée. Je savais que peu importe qui ils prenaient, cette équipe Vitality allait faire des résultats. Et ça m’a fait vraiment mal parce que quand tu sais, et que tu veux faire partie d’une équipe qui – l’avenir m’a donné raison – fait des résultats, c’est très compliqué de se projeter ailleurs. En tout cas, ça l’a été pour moi à ce moment-là. C’était une période de doute parce que je n’avais pas de projet qui m’intéressait particulièrement. On te coupait l’herbe sous le pied et il n’y avait rien d’autre, pas de remplacement à la volonté de progresser et de faire des résultats.

J’ai un peu tout considéré, j’ai reconsidéré les équipes inter’. Presque directement, j’ai eu des appels de phares de LDLC, mais je leur ai dit "je préfère prendre le temps, prendre une pause, me remettre les idées claires pour faire mon choix". Et au final, ça a été LDLC parce que je ne me voyais pas zoner sur un banc. Je n’irai pas dans les détails mais ma période sur le banc chez Vitality, ça n’a pas été très facile ou très bien géré. Ce n’était pas une bonne période. Je ne me voyais pas rester sur un banc à rien faire, complètement enchaîné.

Tu pars donc chez LDLC et à ton arrivée, Ozstrik3r, le coach, dit qu’il voulait travailler avec toi depuis longtemps. Tu le connaissais déjà avant ? C’était quoi tes impressions vis-à-vis de lui en arrivant ?

Je ne le connaissais pas, mais c’est un peu une personne que tu connais sans connaître. C’est-à-dire que même si tu ne le connais pas, tu vas en entendre parler, tu vas entendre une de ses interviews, il va venir te pv. C’est quelqu’un d’assez vocal, d’assez présent. Bon, peut-être pas en termes de résultats, petit clin d’oeil (rires). Quand il a un intérêt en toi, il te le fait comprendre et il sait y faire là-dessus. Il sait dire ce qu’il veut, manifester son intérêt et sa présence.

Je ne le connaissais pas mais j’ai toujours eu un préjugé plutôt positif sur lui. Quand je faisais mes premières lans sur CS:S avec Ex6 à la GA, je voyais un fou furieux se lever et montrer son cul à ses adversaires, c’est quand même des choses qui te marquent ! C’est un peu à la "krL style", ce qui est très marrant parce que les deux ne s’aiment pas, mais ils ont un petit peu les mêmes comportements. C’est forcément quelqu’un pour qui tu peux avoir de la curiosité parce qu’il a un profil atypique.

Au-delà de l’intérêt – parce que quand les gens s’intéressent à toi, tu vas forcément être plus ouvert –, j’étais curieux de voir comment lui fonctionnait, vu tout ce qu’il me disait, parce que c’est aussi un bon vendeur. Quand il te parle d’un projet, il a pensé à comment amener la chose. Ce n’est pas juste "est-ce que tu veux rejoindre", il y a une idée derrière. Ça s’est fait comme ça.

Dans cette line-up LDLC, il y a aussi MAJ3R, qui sort d’un an et demi de lead chez Space Soldiers. Est-ce que pour vous, c’était tout de suite clair que tu serais le meneur de cette nouvelle équipe ?

Je n’ai pas la meilleure mémoire sur cette période que j’ai essayée de vite oublier mais au début, la question ne s’est absolument jamais posée. Je crois qu'Oz n’a jamais pensé à mettre J3R en lead, et je crois que J3R lui-même n’a jamais pensé à prendre le lead, au moins sur les premiers mois de l’équipe. Je pense que ça avait été très clair.

De toute façon, c’était la vision d’Oz d’avoir moi en lead et J3R en co-lead, parce que ça faisait écho à ce que lui avait vécu sur 1.6 où il avait toujours vu J3R comme un co-lead, un potentiellement très bon co-lead, et lui ou d’autres en leader. Il n’y avait pas de doutes là-dessus.

Une autre chose intéressante sur cette line-up LDLC, c’est le recrutement de rodeN, un jeune peu connu jusque-là qui, même dans le subtop, n’était pas forcément celui qui se démarquait le plus. Finalement, il est resté peu de temps et ça n’a jamais vraiment marché avec lui, pourquoi ?

C’est ça qui me fait toujours un peu grincer des dents. J’ai un avis très cerné sur cette période-là, sur ce qu’il s’est passé. Malheureusement, il y aura toujours cette part d’ombre, que je respecte parce que je suis le premier à le faire, où les gens ne parlent pas de ce qui s’est passé. Donc je ne vais pas le faire à leur place, mais il y a eu deux choses qui sont arrivées.

rodeN n’a pas été bon. Il a été très bon lors des phases de tests. Je me souviens de certains practices où on jouait Astralis et on les démontait, pas par notre skill mais juste par la symbiose entre nous. Tout s’enclenchait très bien, on pensait de la même manière, personne ne se marchait sur les pieds, tout roulait parfaitement. Il y avait vraiment un trou entre ce qu’il avait pu montrer durant les phases de tests ; et quand le travail a vraiment commencé, avec les bases, les manières de faire, et les résultats de cette application, comment les joueurs se sentaient et performaient.

La deuxième chose, c’est le pourquoi. Et ça, soit je ne peux pas le dire parce que ce n’est pas ma place, c’est lui qui l’a vécu, soit... Il n’y a pas d’autre option en fait, soit je le dis directement, mais ça ne reste que mon point de vue. La seule chose que je pourrais dire, c’est qu’il y a eu des choses qui n’ont, à mon avis, pas du tout facilité son développement. Au-delà de certains autres problèmes qu’on avait pu avoir par exemple avec xms, qui sont arrivés un peu plus tard, pour rodeN, il y a eu des soucis. Je ne dis pas que ça venait que de lui, je ne dis pas que ça venait que des autres, mais c’était devenu tellement gros que c’était un peu le fil rouge. C’était devenu impossible.

Je pense que si tu lui demandes, il en garde un très, très mauvais souvenir, parce qu’il a dû se dire "c’est ma chance, je joue avec des joueurs très expérimentés, ça y est, c’est parti". Et en pratique, au bout de quelques semaines, il se rend compte que déjà, ce n’est pas si simple, et de deux, il y a eu des mécontentements suite à des problèmes entre joueurs. Je pense que lui garde un mauvais souvenir de cette période-là. Je le comprends, je le comprenais sur le moment et je lui avais dit. C’était pas terrible pour lui.

C’étaient des problèmes en jeu, des histoires de rôle, ou plutôt en dehors du jeu, du type problème comportemental ?

De type comportemental. Forcément, le jeu influence, c’est une évidence. Je ne pense pas qu’il ait eu de mauvais rôles, qui ne lui plaisaient pas, qui ne lui fitaient pas, même si forcément, il y avait des détails, certaines choses qu’il n’aimait peut-être pas. Mais le plus gros du souci, c’était l’aspect social, équipe, sa relation avec certaines personnes.

xms et rodeN sont écartés à l’été 2019 et vous rentrez dans une période un peu bizarre où vous allez évoluer avec pas mal de joueurs différents pour les remplacer, dont certains étrangers. Comment, en tant que leader, tu gères un tel turnover et le fait de ne pas vraiment avoir de cinq fixe ?

Tu ne le gères pas, c’est aussi simple que ça. Je pense que c’était l’une des périodes les plus étranges de ma carrière. On avait fait le compte : les "fixes", SIXER, J3R et moi, on avait joué avec une quinzaine de joueurs différents. C’était n’importe quoi. On se cherchait tellement qu’à la fin, on s’est juste perdus, et au lieu d’avoir quelques problèmes à résoudre et une base saine, tu as une montagne de problèmes qui se sont accumulés au fur et à mesure du temps, qui deviennent quasiment impossibles à démêler.

J’ai quand même un petit regret pour sinnopsyy et flatroo (ndlr : deux joueurs kosovars), qui avaient leurs défauts évidemment, mais je pense que c’était la meilleure version qu’on avait pu avoir chez LDLC.

Vous parliez en anglais du coup ?

On parlait en anglais. Ça créait des soucis, évidemment, sur beaucoup de phases – ils ne parlaient pas forcément très bien anglais eux non plus –, pas forcément in-game, mais quand on parlait en dehors, sur un serveur, ce genre de choses.

Au final, le plus marrant, c’est que ça a été la meilleure version. Tout le reste, c’était vraiment très compliqué et ça m’a vraiment fait chier, au-delà de l’individuel, pour LDLC. C’était un freak show, ça ne voulait rien dire. D’un point de vue extérieur, je ne l’imagine même pas. En étant dans le contexte, dans l’équipe, c’était incroyablement pénible à gérer, et parfois on pédalait vraiment dans le vide. Ça m’a vraiment fait chier parce que j’avais plutôt une bonne relation avec Marty (ndlr : manager chez LDLC) et LDLC en général, et montrer ça, c’était très dur à vivre.


La victoire au Championnat National S7, seule éclaircie dans le marasme pour Happy, MAJ3R, rodeN, SIXER, xms et Ozstrik3r (photo : Timo Verdeil)

 

Comment tu adaptes ton lead à ces changements incessants ? Est-ce que tu essaies d’avoir un jeu très simple pour faciliter les intégrations, tu joues sur des bases que tout le monde connaît ? Est-ce que tu avais des stratagèmes pour t’en sortir ?

En fait, tu rentres dans une routine où tu es en constante adaptation. Des fois, les line-up en match officiel changeaient. On était les premiers à innover avec les équipes à sept ou huit joueurs ! Il y avait des lasts qui arrivaient de je ne sais pas où, des fois français, des fois juste un mec qui parlait anglais... C’était vraiment compliqué, que ce soit en prac’ ou en officiel. Au bout d’un moment, tu n’es plus leader, tu es juste quelqu’un qui est là pour gérer l’adaptation au mieux. C’est très compliqué. Les joueurs ont des profils différents, tu n’as pas le même teamplay avec un mec qui est souvent là et un mec qui est là de temps en temps...

Là, j’essaie d’expliquer une situation qui est ubuesque, donc je n’ai pas la recette, la formule, l’explication exacte de A à Z de pourquoi et comment ça s’est passé. C’était une situation surréaliste. On a essayé du mieux qu’on pouvait, avec ce qu’on avait, et encore une fois c’est un regret parce qu’on n’a pas eu un cinq. Quand tu regardes LDLC à l’heure actuelle, peu importe les résultats, les joueurs, ils ont un cinq. Oui, ils ont fait des changements au début, mais là, pendant plusieurs mois d’affilée de travail, ils ont eu des cinq. Et nous, on n’a pas eu ça. À partir du moment où on a décidé de kick Alex (xms) et rodeN, c’était terminé. Il n’y a pas eu un cinq majeur chez LDLC durant cette période.

Donc impossible de créer du jeu, des automatismes...

On essayait. On arrivait dans ce paradoxe où Oz et Krav (ndlr : l’analyste de LDLC) essayaient de faire leur taff’ sur un plan "classique", mais le plan changeait parce qu’on ne savait pas ce qu’allait donner la line-up dans un mois. Il y a quand même un côté rédhibitoire et démotivant de se dire que des fois, on travaillait pour rien. Vraiment pour rien. On n’apprenait rien parce que c’est des bases, et on les a. Il n’y avait ni amusement, ni apprentissage, ni rien. On était une espèce de mauvaise académie pour certains joueurs jusqu’à ce que, par miracle, on trouve enfin l’alchimie et le cinq qui nous conviennent. Et ça, on en était incapables.

Dans des périodes très compliquées comme ça, tu as déjà eu envie de tout envoyer bouler, de lâcher le lead, de dire "démerdez-vous sans moi" ?

Non, jamais comme ça, parce que je ne me suis jamais vu arrêter la compétition. Ça reste pour moi un objectif qui prévaut sur tout le reste, et aussi sur mes éventuelles sautes d’humeur. Je n’ai pas ces sautes d’humeur parce que j’arrive à voir un petit peu plus loin.

Pour le coup, la période LDLC, ça a été extrêmement compliqué, mais il y a quand même plus grand que ton énervement sur plusieurs semaines. Bon, après, tu commences à tourner de l’oeil quand la situation n’évolue pas et que tu ne vois pas de porte de sortie. Mais il y a quand même un objectif plus grand : gagner, faire des résultats. Normalement, si tu es un compétiteur, ça prend le pas sur tes sentiments du moment.

Est-ce qu’au fil des ans et en prenant de l’expérience, on apprend à mieux vivre les critiques négatives de la communauté, des analystes ?

Ça dépend vraiment de ton individualité propre. C’est une réponse un peu clichée : oui, il y a des gens forts et qui s’en battent les couilles, et d’autres qui prennent vraiment à coeur ce qu’un random peut dire. Mais je pense que tous spectres confondus, il y a toujours un impact. Ça reste humain que quand quelqu’un te crache dessus, ce n’est pas appréciable, tu ne vas normalement pas en redemander.

C’est toujours le même débat éternel, ça dépend d’où vient la critique et de comment elle est formulée. Si tu émets une critique juste pour émettre une critique parce que c’est ton job, tu es payé pour ça, très bien : tu fais ton job, moi je fais le mien, et ton job c’est d’émettre une critique sur le mien. Mais les critiques intéressantes, en général, elles viennent de l’interne, de gens qui sont censés être bienveillants pour toi : coachs, managers, teammates, leaders, co-leaders... C’est ma vision des choses.

C’est toujours une question millénaire : est-ce que les gens ont le droit de critiquer, à quel point... Tout le monde a le droit de faire n’importe quoi, mais il faut remettre les choses dans leur contexte. Il y a des gens, leur travail, là d’où ils tirent leur argent, c’est de créer de la critique. On peut bien imaginer qu’il y a un certain paradoxe, que quelqu’un qui critique le fait juste parce que c’est son job. C’est pour ça que je fais vraiment la séparation entre critique extérieure vs intérieure. Il y a des gens qui veulent que ça marche, et des gens qui font juste leur taff’ de journalistes/personnes qui regardent l’esport.

Le leader est souvent un bouc émissaire facile quand une équipe ne marche pas, voire un paratonnerre pour ses coéquipiers. Est-ce que tu as déjà eu cette impression de tout prendre à la place des autres, même quand ce n’était pas toujours mérité ?

Ce n’est jamais noir ou blanc. Il y a forcément des périodes où tu vas prendre pour les autres, parce qu’il faut bien que quelqu’un prenne. S’il y a bien un truc qui ne changera jamais, c’est que quelqu’un doit prendre à un moment donné. Des fois à raison, ou à tort, tout dépend des contextes intérieurs aux équipes, à quel point tu as réussi ton job ou tu l’as raté.

De mon expérience, il y a une désynchronisation totale entre ce qui est perçu de l’extérieur et ce qu’il se passe dans les équipes. Les gens ne se rendent pas compte, mais vivre avec d’autres, dans une équipe, surtout sur du long terme... Les gens n’ont absolument aucune idée. Je ne suis pas en train de dire que les gens se trucident dès que les caméras sont off ! Mais c’est de l’humain. Tout ce qu’il y a de plus noble comme tout ce qu’il y a de plus vil arrive dans les équipes. Il n’y a que celles qui gagnent absolument tout qui ont un peu moins à gérer ce souci, mais elles ont aussi à le faire. C’est de la gestion humaine, donc tu vas forcément avoir du déchet dans les relations produites, en bien comme en mauvais. Et derrière, tu as le monde extérieur qui te regarde à la loupe, au microscope, et tu te rends compte à quel point il n’y a que l’expression "n’importe quoi" qui fait sens.

Un reproche qu’on a pu faire à Ex6TenZ, c’est que son lead était "bloqué dans le passé", qu’il ne s’était pas assez adapté aux évolutions du jeu. Est-ce que toi aussi, sur la période 2016-2019 où tu es descendu peu à peu dans la hiérarchie après l’avoir grimpée en 2013-2015, tu as senti que ton lead n’était plus en phase avec la méta, et que tu n’as jamais réussi à rattraper ce retard ?

Je n’ai jamais vraiment vécu ça comme un retard. J’arrivais de manière inévitable, à chaque fois, à quelque chose qui se heurtait. On voulait quelque chose de moi et pourtant, il n’y avait personne pour donner ne serait-ce qu’une piste, ou un début de réflexion qui permettrait un changement. Je sais qu’à des moments, j’avais vraiment voulu changer, aussi bien en termes individuel que de lead. Et à chaque fois que j’essayais de me mettre dans cette démarche, je me retrouvais un peu seul. Je n’ai jamais réussi, ça je l’admets, à trouver le bon équilibre et les personnes qui auraient pu m’aider à effectuer ce changement.

Je pense qu’il y a un certain nombre de fois où j’aurais pu être aidé mais ça ne s’est pas fait. Ça aurait été possible parce que je ne suis pas inflexible au changement. Une des qualités qui était tout le temps revenu sur le tapis au début de mon ascension, c’était à quel point j’étais plus malléable et flexible qu’Ex6TenZ. Tu te rends compte qu’il y a un paradoxe : si quelqu’un est plus malléable et flexible que quelqu’un à qui tu reproches son inflexibilité, il est quand même potentiellement plus facile de changer cette personne. Bizarrement, ça n’est s’est jamais fait. Les gens n’ont pas vu cette contradiction alors que moi, je la vivais.

Forcément, il y a eu des ratés. Peut-être que des fois, j’aurais dû laisser du terrain et je ne l’ai pas fait, et des fois où je n’aurais pas dû laisser du terrain et je l’ai fait. Je ne remettrais jamais en cause ma responsabilité sur ça. Mais c’était tellement devenu un mélange où tous les problèmes se mettaient les uns sur les autres que je ne pense pas avoir eu la chance de tout remettre à plat avec des gens qui voulaient vraiment que j’évolue. C’est comme ça, mais c’est dommage.


Aux côtés d’Ex6TenZ sous les couleurs de VeryGames lors de la MaxLan 2009.
Quand Happy était encore surnommé EMSTQD.

 

Toi, tu aurais été prêt à le faire.

Je pense qu’il y a eu des périodes où, c’est sûr et certain, j’étais prêt à le faire parce que j’y réfléchissais de manière approfondie. Pour les gens qui me connaissent vraiment un minimum, je ne réfléchis pas à vide. Je ne vais pas mettre un temps d’effort dans quelque chose où je ne pense pas qu’il puisse y avoir des résultats. Ce n’est pas un exercice auquel je me prête facilement.

Après LDLC, tu fais quelques matchs chez Team Secret, une équipe internationale. C’était quelque chose qui te tentait vraiment ou c’est parce que tu n’avais aucune offre sur la scène française ?

Ça me tentait vraiment, et en plus je retrouvais sinnopsyy et flatroo. Je pouvais enfin avoir un projet inter’, une orga’ inter’, et éventuellement un début de quelque chose. C’est très dommage parce qu’il y avait du potentiel, mais ça s’est arrêté sur une "technicalité". J’avais un agent à l’époque, un ami qui m’a aidé, et lui et moi n’étions pas d’accord avec ce que nous proposait Secret. Ils ont coupé court à la négociation immédiatement. On était en train d’évoluer en équipe, de faire des strats, et du jour au lendemain, ça s’est arrêté. Le staff me voulait, les joueurs me voulaient, on était sur le point de signer, mais l’arrêt de la négociation de contrat a fait que tout s’est arrêté d’un coup. Mais c’était un choix, je l’assume. On l’a pris ensemble avec la personne qui me suivait. Il n’y a pas eu de mésententes ou d’incompatibilité in-game, c’était juste de la technicalité.

Le lead en anglais, tu étais à l’aise avec ?

J’ai eu une mini-période d’adaptation dans le débit de parole. Le vocabulaire, je l’ai toujours eu, j’ai parlé anglais très vite dans ma vie, même avec des termes pointus, dans et hors CS. Je n’ai jamais eu trop de problèmes là-dessus.

La seule phase d’adaptation, ça a été sur la possibilité d’être concentré et de parler vite. La première fois, ce n’était pas forcément évident. Ça s’est fait naturellement par la suite mais au début, c’était un petit peu plus compliqué. Les informations que tu donnes vite en français et le quart de seconde que tu gagnes, tu le perds totalement quand tu commences et ça change un peu ta manière de voir les choses. Mais il n’y a jamais eu de soucis là-dessus.

Vient ensuite la sortie de Valorant sur lequel tu te mets à jouer de plus en plus intensément. Aujourd’hui, c’est acté que tu es complètement tourné là-dessus ? CS, c’est le passé pour toi ?

C’est un point extrêmement tendu (rires). Je ne vais pas faire plaisir à certaines personnes mais si je veux répondre de manière totalement honnête, je ne sais pas. La seule chose que je peux dire à 100 %, c’est que Valorant est un jeu fun, et que jamais je ne mettrais autant d’heures d’apprentissage et de jeu si je ne comptais pas faire quelque chose sur ce projet. Ce serait juste de la perte et je ne fonctionne pas comme ça. Ma vision des choses, c’est que j’ai envie de faire quelque chose sur ce jeu parce qu’il me plaît et que c’est de la compétition. Quand tu es un compétiteur, peu importe ton domaine, tu as envie d’être compétitif, surtout quand tu l’actes de manière consciente. Mon objectif, très clairement, c’est de faire des performances sur ce jeu.

Mais ça me paraît impossible de dire que j’ai fini ma carrière CS, même si le pourcentage que je revienne sur CS était à 0,01 %. CS, je l’ai tellement en moi et ça a tellement fait partie de moi, pas juste par habitude. Tu réfléchis CS, tu penses CS, et tu sais que tu peux faire quelque chose malgré tout ce qui a pu arriver en bien comme en mal. Je ne peux pas dire maintenant, à 100 %, que je ne reviendrais pas sur CS, peu importe la fonction. Ça ne me paraît pas honnête, pas précis de dire que jamais je ne retoucherais à CS de quelque manière que ce soit.

Quand tu regardes tout ton parcours sur la scène CS, avec ses hauts et ses bas, est-ce que tu en es fier, ou est-ce que les regrets de cette potentielle fin de carrière un peu bancale dominent ?

Je n’ai pas plus honte ou plus de fierté que j’en avais au moment où les événements se sont profilés et sont arrivés. Quand je gagne mon deuxième Major, si j’y pense aujourd’hui, je ne vais pas être plus fier. Quand EnVy s’arrête, je ne vais pas être plus triste ou plus honteux que lorsque c’est arrivé. Si les choses sont arrivées, c’est qu’il y a eu des circonstances, des faits, un déroulement, des cycles qui prenaient fin ou qui prenaient vie.

Je n’ai ni regrets spécifiques ni remords. Quand je perdais un tournoi, que je finissais treizième ou second, notamment la finale de Major en 2015 à Cologne, j’avais le même regret quand je sortais de la scène. C’était le dernier match et on n’a pas réussi à gagner un Major en trois semaines de préparation. Aujourd’hui, quand j’y repense, j’ai la même sensation.

S’il y a eu des choses qui sont arrivées, c’est qu’il y a eu certains facteurs qui ont fait que, en plus de ton propre vouloir. Évidemment, si je rentrais dans l’analyse pointue de pourquoi certains événements sont arrivés et qu’est-ce que j’aurais pu faire pour les changer, oui, il y a des leçons à tirer. Mais chercher à changer ça, ou repenser à des événements qui arrivent et où tu n’as pas forcément les mains dans le moteur, qui se décident sans toi, ça ne sert à rien. J’ai toujours eu du mal à comprendre les gens qui avaient ce point de vue. J’ai été avec des joueurs qui ne pensaient que comme ça, que sur "avant".

Pour ce genre de questions, ce sera ma réponse. Pas plus de regrets ou de remords que ce que j’aurais pu avoir sur le moment T.

Tu regardes encore du CS pro aujourd’hui ?

Ça doit faire plusieurs mois maintenant que j’ai totalement arrêté. Même si j’avais des équipes sur Valorant, je continuais à regarder, moitié par habitude, moitié par envie. Aujourd’hui, c’est presque une décision, je ne veux plus en regarder pour essayer de ne plus être influencé par ce que je peux voir sur des démos. Je n’ai pas envie d’aller penser à des phases de CS qui ne m’aideraient pas sur ce que je suis en train de faire maintenant.

Mais HLTV, c’est toujours en favori, et je vais check les résultats. Parfois, je faiblis un peu et je regarde les pistols et les premiers rounds armés, ce genre de choses. Par contre, je suis toujours la scène de très près. Twitter, c’est le réseau où je vais le plus et 80 % de ce que je follow, c’est des gens qui jouent à CS, donc je suis au courant de ce qu'il se passe. Plus ce qu’on me raconte quand les gens veulent se lâcher un petit peu ! (rires)
 
Sur Valorant, tu as repris un rôle équivalent à celui de leader ?

Justement, c’était ma priorité quand j’ai lancé Valorant en mode compétition et qu’Ex6 est venu me pv : je ne voulais pas lead, donc il n’y a absolument pas eu ce problème-là. Je pense que mon meilleur rôle sur Valorant à l’heure actuelle, ce serait d’être second caller et dans le groupe d’attaque. Après, je pense que ce genre de choses est amené à évoluer dans le futur.

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