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Projet ESL : Éléments de réflexion
Les responsables de l'ESL n'ayant pas démenti l'existence du projet révélé par nos confrères de HLTV.org et du Dailydot.com dans leur courte déclaration de ce vendredi soir, on peut d'ores et déjà commencer à décrypter cette actualité qui si confirmée créera inévitablement un séisme sur la scène Counter-Strike.
Clause d'exclusivité ou pas, cela ne change rien.
La communauté a fortement réagi sur cette notion d'exclusivité au centre de l'article du Dailydot.com. Elle a même pris place dans le titre alors que l'annonce du montant investi de 18 millions de dollars aurait pu être tout aussi accrocheur. Le mot exclusivité fait souvent peur et c'est devant les nombreuses critiques qui ont fusé suite à cette publication que les responsables progaming chez l'ESL, Ulrich Schulze et Michal "Carmac" Blicharz ont réagi conjointement avec les mêmes mots : "Il n'y a qu'une chose à dire à ce sujet : ESL n'a pas l'intention d'empêcher des organisateurs de proposer des événements CSGO, ou d'empêcher des équipes de s'y rendre."
Si cette phrase a eu son petit effet en calmant un peu les ardeurs de certains, elle ne veut finalement pas dire grand-chose hormis peut-être le fait qu'effectivement, il n'y aura pas de clause d'exclusivité dans un éventuel contrat liant ESL et participants.
La notion d'exclusivité est dans ce cas beaucoup plus subtile.
En effet, le montant de 18 millions de dollars est avancé sans pour autant de précisions si cela constitue le montant total de l'investissement de l'ESL et de ses différents partenaires ou seulement le prizepool total du circuit sur un événement, une année ou plusieurs mois. Il est difficile voire même impossible d'envisager une telle somme allouée à un seul événement du genre The International. Il serait assez illogique pour l'ESL de faire une telle annonce alors qu'elle tente de faire actuellement monter l'engouement autour de son prochain ESL One à Cologne qui ne sera doté "que" de 250 000 $ et qu'elle considère comme l'un de ses rendez-vous majeurs.
A quoi bon ce stade s'il y a 18 millions à gagner quelques semaines après ?
Pour autant, il suffira d'un cashprize par événement ou par finales de championnat beaucoup plus important que les Majors actuels (disons 700 000 ou 1 million de $) pour capter l'attention des joueurs et les faire s'adapter à n'importe quel format qui pourrait s'avérer être très contraignant pour les organisateurs secondaires.
L'histoire est là pour le rappeler et l'exemple le plus flagrant reste les Championshp Gaming Series que nous vous avions présentés dans un long dossier. Organisés par une chaîne de télévision américaine du nom de DirectTV, les CGS ont complètement chamboulé les scènes compétitives des jeux qu'ils avaient sélectionnés comme disciplines officielles grâce à un prizepool démesuré ayant à l'époque totalement explosé les échelles. Aux alentours du million de dollars pour chacune des deux saisons annuelles pour donner un ordre de grandeur.
Bien que sous contrat, les participants pouvaient participer à des tournois annexes (peu nombreux) comme notamment les iSeries sur CS:Source. Pour autant et malgré l'absence de clause d'exclusivité, les CGS se sont permis de complètement bouleverser les règles de bases d'un match Counter-Strike:Source afin de les rendre plus propices pour un show TV. Si beaucoup ont grincé des dents, tous les joueurs professionnels de l'époque ont dû s'y habituer s'ils souhaitaient continuer à vivre de leur passion grâce aux dizaines de milliers de dollars donnés par DirectTV
En clair, si demain les dirigeants de l'ESL souhaitent que les meilleures équipes du monde viennent exclusivement dans leur ligue, ils n'ont pas besoin de leur signer des contrats. Un énorme cashprize suffira amplement pour leur permettre de faire cinq soirées de matchs officiels par semaine, trois heures par soir bloquant les championnats parallèles. Un exemple parmi une infinité d'autres.
Vulcun, l'un des piliers de ce nouveau championnat sponsorise également la FACE IT League
Vulcun est une société qui commence à faire énormément de bruit dans le monde du sport électronique. Poussant le concept de Fantasy League, bien connu dans les sports traditionnels et consistant à créer et manager une équipe en corrélation avec les performances de la dite-équipe dans la vraie vie, jusqu'à l'eSport, Vulcun a connu un départ canon promettant d'ores et déjà 4 millions de dollars de récompenses pour les meilleurs managers virtuels. Selon son site web, près de 800 000 $ ont d'ores et déjà été donnés en seulement quelques semaines.
Un logo de plus en plus présent dans l'eSport
Dernièrement Vulcun a levé 12 000 000 $ de fonds grâce à plusieurs investisseurs dont la société spécialisée dans l'investissement sur le web, Sequoia Capital. Si Vulcun a déjà ouvert ses portes à League Of Legends et Dota 2 en intégrant les plus grandes ligues mondiales, le site web est également devenu un partenaire de la plateforme FACE IT le 23 mars dernier. Les managers en herbe peuvent donc s'affronter et gagner quelques dollars dans le cadre de la FACE IT League qui se déroule en ce moment même et comporte plusieurs branches en Europe, en Amérique et en Australie.
Selon les révélations, Vulcun serait, aux côtés de Twitch.tv, l'un des grands sponsors du championnat lancé par l'ESL. Les intérêts d'un site de Fantasy League comme Vulcun sont sans doute portés sur des ligues avec plusieurs semaines de matchs plutôt que des lans d'un week-end. Aussi n'y aurait-il pas un conflit d'intérêts pour Vulcun si la FACEIT League qui fixe deux soirées de matchs par semaine en Europe, venait à souffrir d'une concurrence trop oppressante de la part de ce nouveau championnat ESL ?
Jusqu'à présent les organisateurs de compétitions ont tendance à s'aligner au leader mondial
En lançant ses différents Majors dotés de 250 000 $, Valve a éclaboussé la scène compétitive sans pour autant faire de dégâts aux organisateurs indépendants. Deux raisons semblent se démarquer : Seulement trois éditions par an qui s'étalent chacune sur quatre jours maximum n'ayant ainsi que peu de chances de rentrer en conflit avec une autre lan. Deuxième point, 250 000 $ restent une somme assez accessible et est loin d'écraser la concurrence. En 2014, Valve a ainsi distribué 750 000 $ de prizepool tandis que les autres organisations atteignent au total les 1 200 000 $ dépensés.
L'arrivée des Majors de Valve a bénéficié à l'ensemble des organisateurs concurrents qui ont vu leur prizepool moyen augmenter de plus de 50% en une année comme le montre les statistiques ci-dessous :
Moyenne des prizepools des events T1 |
DH Winter 2013 | ESL One Katowice 2015 |
24 104 $ | 37 440 $ | |
+ 55 % |
Si l'ESL propose un ou des événements dotés de plus ou beaucoup plus que 250 000 $, pourquoi cette tendance à bénéficier à tous ses concurrents s'estomperait-elle ? Le premier concerné serait Valve qui depuis fin 2013 proposait des cashprize bien supérieurs à la concurrence et ne les avait jamais augmentés malgré la croissance des tournois autour.
En outre, la force de Valve a été d'installer un certain équilibre entre ses Majors et le reste du monde. Qu'adviendra-t-il si l'ESL détruit les échelles avec des prizepools très conséquents ? Un risque de déséquilibre qui animera de nombreux débats avec des arguments pour et contre ne manquant pas. Ce sera un sujet pour plus tard si l'annonce de cette nouvelle compétition va dans ce sens.
L'ESL sait manier les styles
Lorsque l'on évoque le terme "exclusivité", le premier mot qui vient en tête est certainement LCS. En effet, les League Championship Series, compétitions phares de League Of Legends depuis leur création en 2013 par Riot Games, l'éditeur du MOBA, ont été introduit pour la troisième saison du jeu. Les deux précédentes avaient seulement des étapes qualificatives ainsi que des finales mondiales réunissant les équipes s'étant qualifiées tout au long de l'année.
En 2013, Riot a décidé de passer à la vitesse supérieure en salariant directement ses joueurs participants les interdisant de prendre part à n'importe quel tournoi annexe organisé par une société tierce (hormis quelques exceptions). Une clause dans le contrat qui fait office de sécurité en plus des deux millions de dollars de cashprize prévus pour les finales mondiales.
Les LCS Europe produits par l'ESL
Riot a donc supervisé plusieurs championnats continentaux et devinez qui a géré et produit les LCS Europe lors de la saison 3 et 4 ? C'est Turtle Entertainment ou la maison mère de l'ESL. L'éditeur du jeu le plus joué au monde a donc fait confiance à l'ESL pour lancer et mener à bien ce concept durant deux ans. Un gage de qualité pour l'ESL qui a bel et bien les moyens et l'expérience nécessaire pour produire des championnats similaires sur CS:GO que ce soit dans leurs studios européens ou bien nord-américains.
Inutile de rappeler la qualité des événements en "one-shot" organisés par l'ESL que ce soit ses étapes IEM ou ses différents ESL One. L'organisation d'origine germanique est sans doute celle qui peut s'adapter le mieux au monde aux différents formats.
Valve est très certainement au courant
Dans l'article de nos confrères du Dailydot.com, on apprend que les développeurs étaient partis en vacances et n'étaient donc peut-être pas au courant. Il paraît très peu probable que l'ESL n'ait pas abordé le sujet avec la firme de Seattle. D'abord car l'ESL a obtenu la confiance de Valve pour déjà trois Majors et entretient donc une relation très privilégiée avec les développeurs. Une relation que Turtle Entertainment veut sans doute préserver au maximum. De plus, ses dirigeants savent très bien que malgré tous leurs efforts, le jeu appartiendra toujours à Valve et ces derniers auront donc toujours le dernier mot sur la manière d'utiliser CS:GO.
Valve a toujours fonctionné vis à vis de l'éco-système autour de CS:GO. A l'inverse de Dota 2 où c'est Valve qui organise The International de A à Z, sur CS:GO, l'éditeur a jusqu'à présent préféré apporter son support à des événements indépendants de façon juste. Ainsi, l'ESL et la DreamHack ont bénéficié du soutien de Valve et d'après les discussions que nous avions eu avec l'équipe de développeurs présente à Katowice en 2014, le but affiché est clairement de supporter les indépendants de la façon la plus équitable possible. En clair, les développeurs souhaitent alterner les organisations accueillant leur Major et s'intéressaient alors à l'époque à la Starladder.
Les développeurs ne se sont jamais opposés à aucun tournoi en plus de quinze années de compétitions sur Counter-Strike. Si demain, l'ESL fait un coup d'éclat sur la scène CS:GO en annonçant des prizepools démesurés, Valve pourraient être plus a mêmes de supporter encore plus ses concurrents afin qu'ils restent dans la course conservant ce cercle vertueux. Cela reste pour le moment bien sûr une très lointaine hypothèse.
Merci à SekYo