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Blog de la rédac : Paris en ligne et matchs truqués

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Les scandales de matchs truqués se succèdent ces derniers temps. La possibilité pour les acteurs de la scène compétitive de récupérer des gains importants à travers des paris de skins semble entraîner d’inquiétantes dérives. En effet, la tentation peut être grande quand on sait qu’avec quelques comptes secondaires et des amis complices, il est possible d’engranger plusieurs milliers de dollars en valeur de skins lorsqu’une équipe favorite perd face à un outsider. De plus, quand le match concerné n’est pas déterminant sur le plan compétitif pourquoi ne pas tenter de maximiser ses revenus au-delà du simple prize-pool de la compétition? C’est suite à ce constat que nous avons voulu lancer quelques pistes de réflexions pour enrayer ce fléau qui décrédibilise la scène compétitive. 

Pour illustrer ces propos, nous pouvons citer le cas d’iBUYPOWER qui a refait surface il y a quelques jours. En effet des éléments récents tentent de démontrer la culpabilité des joueurs de l’équipe, pour avoir volontairement perdu une rencontre d’août 2014 face aux ex-NetCodes jugés bien plus faibles. Pour l’instant peu de déclarations officielles des acteurs directs n’ont été communiquées et nous ne savons pas pour l’heure si cette affaire engendrera des conséquences pour les joueurs et les structures.

Par ailleurs, quelques semaines plus tôt, un autre scandale de paris truqués est également apparu, cette fois-ci du côté de la scène allemande. En effet, l’équipe de subtop myRevenge vient de se séparer de son roster, après que de nombreux éléments à charge aient été dévoilés concernant des paris de certains de ses joueurs. Début janvier, myRevenge perdait contre toute attente un match qui l’opposait à une équipe Hongroise jugée bien plus faible : VOLGARE. A ce titre, les paris étant ouverts sur CSGOlounge, presque 80% des joueurs donnaient l’équipe allemande favorite pour l’emporter. Et pourtant myRevenge perdit le match sur un 2-0 assez tranquille pour les Hongrois.

L'équipe CS:GO accusée d'avoir sciemment perdu pour s'assurer des gains de paris.

Logiquement, de fortes suspicions sont apparues et ont amené les administrateurs de CSGOLounge à enquêter. Rapidement, certains paris se sont révélés suffisamment éloquents pour engager la culpabilité des joueurs ayant sciemment perdu la rencontre. En scannant les paris réalisés par les joueurs et leurs amis steam, il s’est avéré que 90% des amis de deux des joueurs soupçonnés ont parié contre myRevenge pour ce match avec des mises maximum. Encore plus effarant, un des joueurs a même parié avec une mise maximum contre sa propre équipe. Couronnant le tout, la structure aurait reçu des screenshots des joueurs eux-mêmes incitant leurs amis à parier contre eux.

Dans ce cas présent, les choses ne vont semble-t-il pas en rester là. En effet, la structure qui se place en victime de la situation, demande des comptes à ses ex-joueurs. Voici ce qu’on pouvait lire dans un communiqué de myRevenge sur leur facebook officiel le 9 janvier :

Nous avons été écœurés d’avoir découvert ce qui s’est réellement passé mardi dernier durant le showmatch opposant myRevenge à Volgare. […]

La nuit dernière, nous avons reçu des screenshots qui prouvent clairement que les joueurs impliqués ont raconté à leurs amis sur Facebook et Steam qu’ils allaient sciemment perdre le match et les ont incités à parier contre eux. C’est la raison pour laquelle nous nous sommes séparés de l’équipe ce matin. […]

Nous sommes vraiment désolés et choqués par ce qu’il s’est passé et nous avons l’intention de porter plainte contre l’équipe dans les jours à venir.

Une action légale qui pourrait créer un précédent dans l'histoire de Counter-Strike ?

Dans une toute autre mesure, on peut également évoquer plus largement les exemples de matchs truqués dans le sport liés aux paris : le football bien sûr mais aussi le Handball qui a vu l’équipe reine, Montpelier, se désintégrer lors d’un match volontairement perdu par ses joueurs qui ont été ensuite inculpés. Cette forme de délit d’initié est donc particulièrement connue et des instances de surveillance ont à charge de surveiller toutes dérives à ce sujet en appliquant une législation bien définie.

Si l’on considère le cas de la France, les paris sportifs, autres que ceux gérés par la Française des Jeux et PMU, sont autorisés depuis 2010 à la veille de la coupe du monde de football en Afrique du Sud. Cette légalisation s’est appuyée sur la loi n° 2010-476 du 12 mai 2010 relative à l'ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d'argent et de hasard en ligne. L’élément important de la loi à retenir est que :

Tout acteur de compétition sportive et lié d’une façon ou d’une autre à des opérateurs de paris sportifs, se voit dans l’obligation de ne pas participer à des opérations en relations avec les paris sportifs

Ainsi tout club ou fédération sportive est en mesure de préciser dans les contrats de ses joueurs, l’interdiction de prendre part à des paris sportifs sous peine de poursuite judicaire. A l’époque, il était indispensable pour le gouvernement de prévenir tout débordement en encadrant le plus possible ces pratiques, preuve en est, pas moins de 69 articles composent cette loi. Parmi eux, l’article 34 a donné naissance à l’Arjel : Autorité de régulation des jeux en ligne. Cette autorité administrative est parfaitement indépendante et c’est elle qui régule et surveille le secteur des jeux en ligne et plus particulièrement les paris sportifs. Elle bénéficie des pleins pouvoirs et a accès à toutes les données techniques et financières des plateformes de paris.

Mais alors qu’en est-il pour CS:GO et l’esport en général ?

Les sites permettant de parier de l’argent réel se multiplient autour de l’eSport, preuve que le secteur génère déjà beaucoup d’échanges. Lorsque l’on sait que la communauté est représentée par une part important de mineurs, nous nous interrogeons sur le contrôle de l’âge des utilisateurs de ces mêmes sites. Aujourd’hui le seul élément tangible qu’il est impératif de posséder pour pouvoir parier est un moyen de paiement. Si l’on peut raisonnablement imaginer que ces organismes seront très rapidement soumis à législation, la question se pose concernant les paris de skins où la valeur d’échange est justement moins tangible. A ce titre bénéficiant certainement de l’aspect indirect de la valeur des skins, la plupart des scandales qui font aujourd’hui surface impliquent des paris réalisés sur CSGOLounge.

paris en ligneEt bien d'autres.

Bien que ce ne soit que des skins, les items engagés dans les paris représentent tout de même une valeur significative et l’appât du gain peut malheureusement entraîner ce genre de dérives tout comme les scams et hacks de compte. Et là, force est de constater qu’aucune instance indépendante ne vient contrôler les paris des joueurs et de leurs proches si ce n’est CSGOLounge lui-même lors des cas les plus flagrants. Mais que le site de paris soit le seul en mesure de contrôler ses propres paris pourrait poser la question du conflit d’intérêt. S’il est vraiment porté devant la justice, un cas comme celui-ci pourrait faire jurisprudence pour les temps à venir et il sera important d’en tirer les leçons pour enrayer cette dérive et prévenir d’autres cas similaires.

A ce titre, une question se pose, comment peut-on permettre des paris pouvant générer quelques centaines de dollars de revenus (via des skins) sur des matchs dont l’enjeu est minime ? Si on reprend le cas de myRevenge, l’occasion semblait trop belle pour les joueurs inculpés, le match n’était qu’une rencontre de gala indépendante de toute compétition, alors troquer sa morale pour quelques skins devient attirant. Cet état de fait soulève le point qu’encore une fois, CSGOLounge est le seul arbitre à décider si oui ou non un match peut-être ouvert aux paris.

CSGOLounge encore au coeur d'un scandale

Avec la très rapide professionnalisation du jeu, on a aujourd’hui en regard des salariés évoluant sous contrat avec des structures, et qui peuvent dans le même temps exposer ces mêmes structures, dans des systèmes de paris non surveillés et non soumis à une législation précise. Le code du travail s’insère petit à petit dans l’esport et il sera intéressant de voir comment certaines réglementations et régulations prendront forme.

Pour étayer cette réflexion, nous sommes allés à la rencontre de Bryce C. Blum, avocat pour FOSTER PEPPER PLLC, spécialiste des questions juridiques relative à l’eSport. Il a pu nous confier certains éléments de réponse concernant la règlementation en vigueur, plus particulièrement aux USA et il nous a apporté sa vision quant à l’évolution des choses pour les mois et les années à venir.

Il faut avoir à l’esprit que la réglementation légale qui encadre les paris en général (qui devrait s’appliquer à l’eSport) varie énormément de pays à pays. Je ne suis pas un spécialiste des lois en vigueur en Europe mais ici, aux USA, elles sont relativement strictes. Par exemples des lois existent pour spécifiquement interdire de parier sur certains évènements sportifs. C’est d’ailleurs quelque chose que je verrais bien se mettre en place si l’eSport continue à grandir de la sorte, je ne vois pas pourquoi on le traiterait différemment des autres disciplines sportives. Pouvoir parier offre évidement l’avantage de générer de l’intérêt pour les matchs mais il y a d’importants effets néfastes comme nous l’avons vu récemment. Des lois sur les paris avec des restrictions sur certains matchs aideraient à conserver la crédibilité des matchs.

Quand des joueurs d’une équipe trichent ou perdent volontairement des matchs, il y a un préjudice tangible subi par l’organisation (mauvaise réputation, potentielle perte de sponsors…). Il est aussi tout à fait possible qu’il y ait rupture de contrat – la plupart des accords contiennent des articles qui stipulent que les joueurs ne feront rien pour nuire à l’organisation. Ce genre d’accord devrait permettre d’assurer assez de couverture légale pour le cas de myRevenge mais il n’est pas évident de savoir si l’organisation est effectivement en train de monter un dossier ou de simplement bluffer. Les poursuites judiciaires coûtent cher, c’est pourquoi, on en voit rarement dans l’eSport, les dommages subis sont souvent moindres que le coût des poursuites (même si vous gagnez le jugement, vous dépensez plus que ce que vous êtes susceptibles de gagner en réparation). Cet aspect devrait changer dans le futur avec la croissance du secteur et les sommes de plus en plus importantes qui sont engagées entre les structures et les joueurs.

Tous ces éléments nous donnent matière à réfléchir quant à la faiblesse de la législation qui encadre les paris relatifs à l’eSport. Il est évident que la progression fulgurante du secteur a fait apparaître des zones de vide juridique où des dérives sont possibles, ce retard devrait être rapidement comblé quand on voit toute la professionnalisation qui se met en place autour de la scène compétitive et de ses sponsors.

Source : myRevenge, Légifrance, The Daily Dot

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