Brèves

WebTV

Actualité de la scène

Compétitions



heuka, capitaine oublié

7296 15

Article proposé par Philippe "faculty" Rodier. Merci à lui !

Si vous n’avez pas connu la période allant de 2005 jusqu’au début des années 2010, il est fort probable que son pseudo ne vous dise pas grand-chose. Pourtant, sans contestation possible, Jérôme "heuka" Bassat, ou HeUkAlyPtuS dans sa version la plus longue, a fait partie des plus grands leaders francophones sur Counter-Strike. D’une certaine façon, à raison de son image clivante et d’un palmarès relativement maigre – malgré quelques succès notables –, il pourrait même endosser le statut du "Marcelo Bielsa français". Retour sur la carrière de l’un des stratèges les plus sous-estimés de son époque.

Qu’est-ce qui caractérise un bon leader ? Ses résultats durant les compétitions qu’il dispute, ou bien sa capacité à faire progresser les joueurs qui l’entourent ? De tout temps, cette question anime les débats entre les plus grands passionnés d’une discipline, peu importe sa nature, et permet de pouvoir apprécier à sa juste valeur le travail réalisé par un entraîneur, ou bien un leader dans le domaine de l’esport. Dans le monde du football, l’ancien président du MHSC (club de Montpellier), Louis Nicollin, expliquait avant son décès : "Les grands entraîneurs sont ceux qui gagnent des titres avec des demi-bons. Avec Courbis, on est monté en Ligue 1 avec des demi-mongoliens". Si nous devons le respect le plus sincère aux "demi-mongoliens", il faut reconnaître que l’ancienne figure emblématique montpelliéraine n’a pas totalement tort : pour juger un entraîneur, il faut d’abord étudier la matière première avec laquelle ce dernier évolue. C’est ici que débute notre retour en arrière.


Jérôme "heuka" Bassat

Aux origines d’heuka, zet : son premier amour

La saison 2005-2006 est la première mélodie qui va permettre à heuka de marquer son territoire sur la scène Counter-Strike. À cette époque, pour obtenir son billet pour l’ESWC.fr (l’équivalent de la Coupe de France, avec un accès à gagner pour la Coupe du monde pour les deux premiers), il faut engranger un maximum de points durant la saison régulière, organisée par CyberLeagues, à travers plusieurs types de lans : les Open Series, les General Series et les tournois les plus prestigieux, les Premières Series (l’Atomic ReSo, la NeXeN ou bien encore la Gamers Assembly). Un long combat qui, dans certains cas, avantage les équipes les mieux situées géographiquement pour obtenir les fameux points requis, à l’image des qualifications pour l’autre compétition majeure de l’époque, les WCG.fr, où il fallait s’imposer durant un tournoi organisé dans un cybercafé d’une ville francophone.

Grâce à sa localisation dans le sud de la France – et plus précisément à Toulouse –, zet (heuka, atLaNtis, eternalz, drizzt, sherman) va parvenir à valider son billet pour la Coupe de France en un temps record. Deux victoires successives durant la VGT (Virtual Game Toulouse) et l’Azerty Party 8 permettent aux coéquipiers d'heuka d’obtenir un total de 120 pts et de prendre la tête du classement CBL. Avec cette position, les premières critiques vont fuser sur le niveau réel de zet, et un contexte de "défiance" entre l’équipe toulousaine et une partie du reste de la scène tricolore va s’instaurer. Mais dans les faits, zet n’a rien volé à personne. Finalement, la Coupe de France ne fera que confirmer le potentiel du cinq toulousain. Et donc, des talents d’heuka en tant que leader in-game.

À Argenteuil, dans la banlieue parisienne, tombée dans la poule de la mort avec goodgame, webOne (w1) et FairGame, zet est annoncée comme la victime expiatoire à venir des équipes qui l’accompagnent. Pourtant, dès le premier match, sur de_nuke, l’équipe toulousaine s’incline de justesse (14-16) face aux GG, alors composée par YoRliN, Baldours, OliGan, RoScO et MaYeRs. Des débuts encourageants qui vont se concrétiser par une victoire acquise lors de la seconde rencontre face aux futurs vainqueurs de l’ESWC.fr, les w1 (bisou, Xp3, Ozstrik3r, Dr.Crow, YanK). Sur de_dust2, la home map de zet, mais aussi celle d’heuka en tant que capitaine tout au long de sa carrière, atLaNtis fait parler ses premiers coups de sniper au haut niveau et débloque de nombreuses situations pour ses coéquipiers. Lors du dernier match, zet s’incline face à FairGame sur de_inferno et voit ainsi ses chances de sortir du groupe anéanties, malgré le statut de "surprise" de la compétition. En finale de cet ESWC.fr, w1 prendra le dessus sur atLanteam (liH, BreK, sM, blacknight, mahE), sans grande difficulté avec un 16-5 des plus cinglants sur de_train. Pour Jérôme Bassat, après cette première expérience parmi l’élite francophone, il est temps de changer d’air.

Le départ vers EFC, jusqu’à CX Team et don’Touch

Pour la saison 2006-2007, heuka va découvrir une nouvelle équipe portant le nom d’EFC (European Fighting Club) et composée jusqu’à la Coupe de France de KabyLe, fwite, PxP et l’un de ses grands amis sur la scène tricolore, P0My, qui évoluera par la suite dans plusieurs grandes équipes, notamment oXmoze avec RiGo, MaT, loduN et mSx, vainqueur de la Gamers Assembly 2011. Au départ, EFC s’articulait autour de BaaL, JarOd, eternalz, atLaNtis et heuka (donc trois anciens membres de zet), mais l’équipe avait modifié son visage à la suite de la désillusion des WCG.fr en début de saison, où elle avait été éliminée durant la phase de groupes au round-average.


KabyLe, heuka et P0My du temps d'EFC

Durant toute la saison, EFC se rapproche des podiums des plus grands tournois nationaux, mais sans jamais dépasser la cinquième position. À la Coupe de France, l’équipe est éliminée en quart de finale face au futur vainqueur, emuLate, sur le score de 2 maps à 0. De mon côté, j’avais également pris part à cette compétition avec adk (bluMz, jake, ZaN, KiRiKoU, faculty). Et à cette époque – alors qu’il représentait déjà l’un des joueurs les plus en vue de la région toulousaine où j’habitais –, je ne le savais pas encore, mais j’allais bientôt retrouver heuka.

Pour la saison 2007-2008, à la suite de son passage chez EFC et après avoir évolué un temps chez extenSia (qui deviendra bientôt don’Touch) aux côtés de NinO, eternalz, BaaL et drahmin (avec notamment un top 5-6 à l’Atomic ReSO), heuka va rejoindre CX Team (ComputeX) en compagnie de MaKi, atLaNtis, KabyLe et P0My. À cette époque, NinO résume la situation : "Pour heuka, il quitte dT pour partir avec CX, choix que nous ne comprenons pas, mais qu’on aurait pu prévoir à cause de son amitié avec P0My, KabyLe et atLaNtis. Je pense qu’il avait déjà la tête à CX après la lan, il nous a dit le dimanche matin de la ReSO, où on avait notre match contre Millenium juste après, qu’il était dégoûté, que c’était comme s’il avait perdu la lan".

Finalement, de la même façon qu’avec EFC et extenSia, l’équipe côtoie les quarts de finale des gros tournois, sans jamais parvenir à franchir le step supérieur pour accéder aux podiums nationaux. Et surtout, à quelques semaines de la Coupe de France, CX va décider de se séparer d’heuka pour des divergences d’opinions sur le jeu, nuisant à l’ambiance générale du groupe. Par la même occasion, MaKi arrête Counter-Strike pour des raisons personnelles et noth1ng et pressy font leur apparition chez CX. Malgré ses airs "angéliques" au premier abord, heuka a toujours eu du caractère et, dans certains cas, il était parfois difficile de cohabiter avec sa vision du jeu. Heureusement, une nouvelle porte va bientôt s’ouvrir à lui... Le malheur des uns fait parfois le bonheur des autres.

don’Touch et eSport-eu, le début de l’ascension

En vérité, dire qu’heuka était programmé pour retourner chez don’Touch après son passage chez ComputeX serait presque un euphémisme. Le soir même de son kick, qui s’était déroulé durant le bootcamp organisé chez eternalz en vue de la Coupe de France, nous avions pris la décision immédiate de l’intégrer au groupe en remplacement de BaaL. Finalement, heuka n’avait même pas eu le temps d’être abattu par la situation vécue puisqu’il était présent durant ce fameux bootcamp et il s’apprêtait ainsi à devenir le nouveau leader in-game de notre équipe. Pour nous, au regard de son expérience dans ce rôle, ce choix était évident.

Avec heuka, nous allions progressivement franchir un nouveau cap dans l’optique de prouver durant la Coupe de France que nous pouvions intégrer le top 8 français. Malheureusement, malgré une victoire de rang face à extenSia (Geno, TDSI, curiel, ngl, BreK), deux défaites face à dRu (RevZ, loduN, drizzer, Diodel, Epsy) et aAa (YanK, KaRa, Dr.Crow, JED, Xp3) arrêteront notre parcours durant la phase de groupes sur un maigre top 13/16. À la suite de cet évènement, NinO décide d’arrêter CS pour se consacrer au poker et atLaNtis rejoint dT pour constituer ce qui sera le cinq de notre équipe durant pratiquement trois saisons : heuka, atLaNtis, eternalz, instanz et moi-même. Pour heuka, comme pour atLaNtis et eternalz (ses deux coéquipiers les plus fidèles jusqu’ici), il est grand temps d’oublier les multiples échecs aux portes des podiums nationaux.


eternalz, heuka, atLantis, instanz et faculty

Pour instanz et moi-même, la donne était sensiblement différente. Même si nous avions acquis une certaine réputation dans le sud de la France, nous n’avions pas l’expérience de nos coéquipiers. À cette époque, même si j’avais déjà participé à deux ESWC.fr, je n’avais jamais battu une équipe du top 8 et, de son côté, instanz était surtout connu pour ses performances sur des tournois sur aim_map ou quelques matchs notables avec oveRage précédemment. Dans les faits, nous avions encore tout apprendre du jeu et c’est grâce à heuka, en majeure partie, que nous avons progressé sur cet aspect.

Avec dT, les premiers résultats seront plutôt probants mais encore bien éloignés des ambitions affichés par le groupe. La première sortie officielle de l’équipe fut les WCG.fr, à Paris, porte de Versailles. En résumé ? Un petit tour et puis s’en va (deux défaites et un match nul), après une première remontée fantastique contre oXmoze – notre grande marque de fabrique. Ensuite, à Brest, lors de la Silver Arena 2008, il s’est passé quelque chose de différent durant ce tournoi. Pour la première fois, on s’est retrouvé dos au mur, en passe d’être éliminés lors des phases de groupes. Un échec terrible lors d’une lan moyenne, à l’inverse des WCG.fr. Après avoir traversé la France entière, imaginez le drame... Cela a déclenché quelque chose de "nouveau" en nous. On a pris conscience qu’on pouvait s’accrocher face à la difficulté. D’une certaine façon, cette sensation douloureuse de pouvoir quitter le tournoi prématurément nous a permis d’apprendre à "vivre" en équipe, à "souffrir" en équipe. Je n’oublierai jamais la détresse présente dans le regard d'heuka à cet instant, j’avais de la peine pour lui puisqu’il s’agissait de notre guide. Notre stratégie était bonne, il nous manquait seulement de l’expérience. Sous son impulsion, la persévérance était devenue notre crédo numéro un, la tactique notre principal mantra.

Avant la PxL 20, à Arles, nous avions rejoint eSport-eu puisque la structure dT n’était plus en mesure de subvenir à nos besoins. D’une petite équipe locale, nous nourrissions désormais l’ambition de rejoindre au plus vite le top français. Durant ce tournoi, grâce au lead d’heuka et à raison d’un travail de plus en plus sérieux sur le serveur, mais aussi d’une vie d’équipe proche de la perfection en dehors, le groupe est parvenu à accrocher emuLate (RiGo, MaT, mSx, HaRts, ioRek) pour la première fois avec une défaite sur le fil, 14-16. D’une certaine façon, il s’agissait d’une véritable prise de conscience et, pour moi, la première fois où j’ai vraiment compris qu’heuka pouvait rivaliser avec n’importe quel leader français. Célèbre site d’actualité esportive de l’époque, Actu-Lan ne s’y trompait pas non plus : "eSport-eu a dominé la partie à chaque début de side, a fait le plus gros du travail mais son mental n’a tenu qu’à un fil et les emuLate ont su en profiter avec un jeu sans risque, bien posé. La peur de gagner ou la fureur de perdre ? Toujours est-il que la fin du match a été marquée par un manque d’attention total de la part des joueurs d'eSport-eu."


heuka dans ses explications à la Coupe de France 2009

Quelques semaines plus tard, l’équipe chutera à nouveau face à emuLate en finale de la Gamers Assembly, après avoir mené 14-12 sur la deuxième carte (en menant déjà 1 map à 0), avant de voir les coéquipiers de HaRts inscrire la troisième carte synonyme de victoire. Avec une autre finale durant la ReSO (perdue face aux Millenium d'Ozstrik3r, MAJ3R, sixeR, SofianH et wadie), ainsi qu’une troisième place durant l’ESWC.fr et une nouvelle finale aux EPS.fr, perdue également face à Millenium, eSport-eu boucle ainsi sa saison sur la scène nationale avec une régularité conséquente. D’aucuns diront qu’il s’agit de parcours "d’éternels perdants" mais, comme l’expliquait le journaliste Julien Schramm pour Le Monde à propos de l’ASM Clermont et de ses nombreuses défaites en Top 14 : "Clermont va en finale quand certains ne vont nulle part. Clermont joue bien au rugby quand certains ne construisent rien. Il est utile de le rappeler." Pour perdre une finale, faut-il encore y accéder. Et perdre face à emuLate ou Millenium, cela n’avait rien d’un parcours honteux.

Durant l’été, l’équipe va participer à la DreamHack Summer 2009 (avec bigfoot à la place d’atLaNtis) pour un résultat final maussade, top 13/16, avant de me remplacer par RevZ. Avec ce dernier, eSport-eu s’offre une huitième place à Bilbao, durant la GameGune, défaite par Virtus.Pro durant le loser bracket (9-16), ainsi qu’une victoire à l’Azerty Party 12. Finalement, malgré une seconde place supplémentaire lors des WCG.fr (défaite en finale face à Millenium après un match très serré), l’équipe va revenir me chercher à l’approche de la Silver Arena. Là-bas, sans aucune préparation, ou presque, nous parvenons à sortir Millenium pour la première fois avant d’être battus par oXmoze en finale. Mais surtout, en "coulisses", depuis plusieurs jours, quelque chose se prépare. La plus belle des informations vient d’arriver jusqu’à nos oreilles. L’esport français s’apprête à vivre l’une des fusions les plus importantes de son histoire.

aAa, dans la continuité d’eSport-eu

Alors qu’il avait débuté sa carrière comme meneur au sein d’une modeste équipe du sud de la France, heuka allait bientôt devenir le leader d’une des structures les plus prestigieuses de l’époque. Durant les EPS.fr, nous avions eu écho qu’aAa cherchait à se relancer sur CS après de nombreux échecs avec ses précédentes compositions. Il faut dire que la fameuse malédiction du tag avait fait plusieurs victimes dans ses rangs. Pour nous, avec une stabilité importante malgré mon remplacement furtif par RevZ, il s’agissait d’une suite logique des choses puisque eSport-eu disposait de sponsors conséquents (Asus et Intel) qui allaient nous suivre pour cette fusion.

Ainsi, le 6 février 2010, aAa annonçait l’arrivée de notre cinq pour représenter ses couleurs lors des prochains tournois de la saison. De son côté, avec la ReSO en ligne de mire pour notre première sortie, la presse esportive s’interrogeait : "Avec un effectif soudé depuis deux ans, des bonnes performances depuis un an, une structure connue dans notre pays et une lan près de chez eux, toutes les conditions sont réunies pour que les coéquipiers d’heuka atteignent la finale et réussissent enfin à l’emporter dans une grande lan. Réussiront-ils ? Cela est possible mais les pronostics ne vont pas dans ce sens."

Finalement, la ReSO sera une lan en demi-teinte avec une lourde défaite face à BURNING (la nouvelle composition des ex-Millenium, sans Ozstrik3r et avec Rara) sur le score de 11-16 / 1-16. En petite finale, l’équipe s'impose contre Dimension4, un mélange entre de vieux briscards (dim2k et MaYeRs) et de jeunes joueurs avec un fort potentiel (maverick, shox et tiMu). La Gamers Assembly sera un remake de la précédente avec une nouvelle finale et donc une nouvelle défaite face à oXmoze (13-16 / 16-5 / 11-16) alors que, précédemment, nous avions pourtant fait trembler les couloirs de la GA lors d'une demi-finale épique contre BURNING et une remontée digne des plus grands blockbusters.


Sous les couleurs d'aAa en 2010

Au retour de la GA, sous mon impulsion, l’équipe va prendre la décision de se séparer d’heuka. Au fond de moi, j’étais persuadé que le jeu qu'il proposait avait ses limites et qu’il ne nous permettrait pas de franchir le step nécessaire pour devenir l’équipe n°1 en France. En regardant les meilleures équipes du monde, ou même emuLate et Millenium, je constatais à chaque fois qu’on était bien trop prévisibles par rapport à elles. Chez heuka, tout était millimétré et cela empêchait certains joueurs de pouvoir exprimer leur intuitivité dans le jeu. Au mois de mars 2011, alors qu’il était pressenti pour me remplacer en amont de l’arrivée de RevZ avant de refuser cette offre, P0My avait d’ailleurs parfaitement résumé la situation : "heuka a justement oublié que j’étais un remplaçant de fac, et non un sosie. Avoir une personne qui me demande d’aller précisément ici, de flasher précisément là et de viser exactement ici, ne correspondait pas à mon style de jeu."

Pour ma part, même si je me suis souvent senti bridé sous le lead d’heuka, j’acceptais mon rôle puisque j’évoluais avec mes amis et il ne faut pas oublier que les résultats étaient encourageants. Sur le sujet, heuka expliquait en 2013 : "Je qualifierais mon lead de « safe », avec des prises de risques, mais toujours maîtrisées et réfléchies, et malheureusement parfois un peu prévisibles quand on me connait." Malgré cela, avec du recul, je pense qu’il y avait sans doute d’autres solutions qu’exclure heuka de l’équipe afin de parvenir à franchir ce fameux step. Finalement, avec dafunk en tant que nouveau leader in-game, après une NeXeN manquée et une Coupe de France 2010 plus que décevante, heuka va revenir chez aAa à la veille de la DreamHack, des EPS.fr et de la GameGune.

Malgré le retour de Jérôme, notre seconde DreamHack sera un nouvel échec. Avec notre composition officielle, on pensait pourtant avoir les cartes en main pour sortir des poules. Malheureusement, le tirage n’a pas vraiment été clément avec nous. Au menu, les deux finalistes du tournoi avec les Danois de mTw (minet, trace, Sunde, ave, zonic), vainqueurs des SK Gaming en demi-finale (Gux, RobbaN, walle, face, allen), et les surprenants H2K, tombeurs à la surprise générale des fnatic en quart (THREAT, cArn, dsn, f0rest, GeT_RiGhT). Difficile de faire pire. Dans la mêlée, on s’en sort avec une victoire, 16-2 face aux belges d'Antwerp Aces, et surtout beaucoup de souvenirs en tête. Trois semaines plus tard, nous avons rendez-vous avec BURNING pour un dernier affrontement au sommet. Le plus important de notre histoire commune.

Durant les EPS.fr, après de nombreuses défaites en finale, l’équipe va enfin parvenir à s’imposer face à BURNING (5-16 / 16-6 / 16-13), remportant ainsi son premier trophée lors d’un évènement regroupant les meilleures formations tricolores. Quelques semaines plus tard, à Bilbao, pour la GameGune, aAa est lourdement défaite par fnatic au premier tour du winner bracket (7-16), avant de chuter tout aussi brutalement dans le loser bracket face aux Français de wCrea (CosMo, Diodel, drizzer, HaRts, ioRek) sur le score de 4-16.

Au retour de ce tournoi, l’équipe va une nouvelle fois prendre la décision de me mettre de côté, avant que le pôle dirigeant d’aAa décide de fermer sa structure Counter-Strike. À cette époque, le président, Vincent "Coucouoeuf" Bailleul, explique : "Après l’annonce début août de la mise à l’écart de Philippe « faculty » Rodier par ses coéquipiers, l'équipe Counter-Strike doit aujourd'hui affronter un nouveau coup dur puisque suite à de véhémentes dissensions internes, les joueurs ont été contraints d’évincer de façon irrémédiable Rémi « instanz » Poilblanc. [...] La structure aAa se donne un mois pour réfléchir à l’avenir à donner à sa section CS, c’est à dire jusqu’à ce que les Masters aient été joués. Se dessinera alors peut-être le nouveau visage de l’équipe aAa.cs ou bien un arrêt définitif. Même si une mise aux arrêts (dans l'immédiat temporaire) plus honorifique et moins chaotique eut été bien plus souhaitable à l’égard de nos supporters, le staff tient néanmoins à remercier les joueurs pour ce qu’ils ont été capables d'apporter à la structure, à savoir une belle victoire aux EPS France, amenée par une saison régulière aux résultats évoluant crescendo." Sans heuka, instanz et moi-même, et avec JeJe, rivage et JarOd aux côtés d’eternalz et atLaNtis, l’équipe ne réalisera aucune performance notable durant les Masters du jeu vidéo 2010. Pour heuka, c’est le début d’une période d’inactivité avant de relancer un nouveau projet chez nSydia.


Tentative de relance chez nSydia, toujours avec eternalz et atLantis

nSydia, la fin du voyage sur 1.6, avant le passage sur CS:GO

Au mois de décembre 2010, entouré de ses deux éternels comparses toulousains, eternalz et atLaNtis, heuka va former une nouvelle équipe, avec P0My et nota pour venir compléter l’addition. Les premiers résultats de cette line-up sont plutôt encourageants : troisième place à la Spirit Lan, deuxième place à la ReSO. Mais cela ne va pas empêcher heuka d’organiser des changements assez rapidement. Comme il l’expliquait à l’époque : "Suite à un ras-le-bol de ma part concernant notre façon différente de voir CS avec P0My et nota, j'ai décidé de remanier l'effectif. atLaNtis et eternalz ainsi que le staff nSydia m'ont suivi dans mes choix. Nous accueillons donc aujourd'hui RevZ et maLou, deux anciens mythiX avec qui nous nous entendons très bien."

Avec eux, la formation n’atteindra pas les résultats espérés. Durant la GA, l’équipe s’écroule dès les quarts de finale face à eSahara (Geno, MAJ3R, Rara, sixeR, Yoshi), avant de décevoir durant les Masters du jeu vidéo 2011 (avec moderatioN à la place d’eternalz), avec un match nul contre les LDLC de leurs anciens coéquipiers P0My et nota, une défaite contre les futurs finalistes de 3DMAX, 10-16, et une victoire pour l'honneur contre Exnihilo. Ainsi, le 6 juillet 2011, soit tout juste un an après sa victoire lors des EPS.fr avec aAa, heuka et sa bande se retrouvent mis sur la touche par le staff de nSydia. Une profonde désillusion. S’en suivra une longue période loin de CS et une tentative de percer sur League of Legends... En vain.

Le 3 septembre 2012, heuka annonce finalement son retour sur Counter-Strike sur la nouvelle version du jeu, CS:GO, avec l’équipe In Your Head. IYH, un tag historique, porté à de nombreuses reprises depuis les débuts d’heuka sur CS. À cette époque, l’équipe est composée d'atLaNtis, kioShiMa, fRoyGe, heuka et RevZ. Et même si kioShiMa, future grande star de la scène tricolore, ne restera pas au sein de ce cinq, ce retour va coïncider avec une longue période dans le subtop pour heuka. Bien éloignée de ses performances sur 1.6, elle lui permettra de continuer à participer à de nombreuses compétitions, avec de multiples changements d’équipe, avant de se stabiliser chez beGenius. Avec cette équipe (aux côtés de madc, SVEN1, JaCkz et instanz), heuka parviendra à obtenir une seconde place à la DreamHack Valencia 2016, un autre top 2 lors de la troisième saison des Underdogs, mais aussi une cinquième place au Championnat National S1 ainsi qu'un top 3/4 lors des finales des Masters du jeu vidéo.

Malgré un beau succès lors du BYOC de la DH Tours avec Lucky, LaAw, CREA et Jas_x, l’année 2017 sera finalement celle de la retraite, avec pour dernière compétition les qualifications pour l’ESWC disputées aux côtés de ses anciens coéquipiers (atLaNtis, eternalz, instanz et moi-même). Au menu ? Une élimination dès le premier tour mais surtout, beaucoup de nostalgie en tête après s’être retrouvés, pratiquement dix années après nos premiers succès ensemble chez don’Touch, eSport-eu puis aAa.


Victoire au BYOC de la DH Tours avec la nouvelle génération (Lucky, CREA, LaAw, Jas_x, heuka)

Au final, si heuka est rarement cité aux côtés des meilleurs leaders français de la période 1.6 que sont HaRts, bisou, Ozstrik3r ou encore KaRa, il a marqué son époque grâce à quelques performances notables et un caractère qui, d’une certaine façon, ne lui aura pas permis de laisser une image positive auprès de la communauté. Fidèle à ses idées et surtout prêt à mourir avec, que ce soit dans le jeu ou en dehors, heuka n’a jamais été un personnage "politique" et il a rarement œuvré pour améliorer cette fameuse image. D’une certaine façon, c’est peut-être ici que réside sa plus belle victoire : être parvenu à rester lui-même jusqu’au bout – personnage "antipathique" pour certains, petit "génie du jeu" pour d’autres – et avoir réussi à gagner avec ses amis de cette façon.

Quand on l’interroge sur ses déficiences en tant que leader, heuka répond qu’il n’était pas aussi "charismatique" que d’autres leaders francophones : "J’avoue que c’est surement un peu mon défaut, je suis pas du tout aussi charismatique que Steeve (Ozstrik3r), j’ai du mal à donner la confiance et comme j’ai toujours joué avec des « potes », se taper dans la main et dire « bj t’es un ouf », ça suffisait." Mais, malgré ces quelques mots à sa façon, la plupart des joueurs qui ont eu la chance d’évoluer à ses côtés pourront vous le dire : le charisme d’heuka, c’était avant tout son intelligence et sa capacité à mener ses coéquipiers quand l’ambiance était suffisamment bonne pour lui permettre de s’exprimer.

Lancé en sélection d’Argentine en 2003 par Marcelo Bielsa alors qu’il n’avait encore jamais évolué avec son club de River Plate à l’époque, Javier Mascherano explique : "J’aurais aimé qu’il gagne plus de titres, je crois que le football a été injuste avec lui car il mérite beaucoup plus que ce qu’il a obtenu. Mais peut-être que sa plus grande victoire a été de laisser son empreinte sur chacun des joueurs et chacune des équipes qu’il a entraînées." À mes yeux, cette phrase pourrait s’appliquer à heuka tant il a marqué la carrière de nombreux joueurs. Et malgré cette éventuelle déficience charismatique, selon ses propres termes, il ne faut pas oublier que dans la vie, nous jouons avec les jouets que les dieux nous donnent.

Merci à Elnum pour la bannière.

... Commentaires en cours de chargement ...

Vous devez posséder un compte VaKarM et être connecté pour commenter les articles