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faculty, l'homme derrière Vitality
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C'est l'une des nouvelles têtes du gratin français, Philippe "faculty" Rodier avait disparu des radars depuis sa retraite compétitive en 2010. A l'époque, il faisait partie du haut du panier de la scène tricolore sur 1.6 avec notamment une victoire aux ESL Pro Series VIII sous les couleurs d'*aAa*. Désormais, il sera l'homme derrière l'équipe la plus attendue de France : Vitality. Rien que ça. Si l'an dernier, son nom était ressurgi lors de la sortie de son livre consacré au sport électronique, rien ne laissait présager un tel retour à la compétition.
D'ancien joueur de haut niveau à coach en passant par journaliste sportif et écrivain, faculty a un parcours assez atypique qui lui a sans doute confié une perspective digne d'intérêt sur la façon de travailler en collectif. Passionné notoire de football, il a même écrit un livre sur le sujet où il analyse sous divers prismes... des coachs célèbres. Forcément, nous avons voulu en savoir plus sur ce nouveau coach dont la combinaison de son bagage théorique et de son expérience pratique semble encore unique dans le milieu de l'esport.
Pour ceux qui n'ont jamais suivi la scène 1.6, tu es un ancien joueur du top français ayant notamment porté les couleurs d'eSports-eu et de *aAa*. Peux-tu rapidement te présenter et revenir sur ta carrière en tant que joueur ? C’est un moment qui pourrait nous plonger dans un instant « nostalgie » ça (rires) ! Disons que j’ai commencé CS dans les années 2000, et j’ai eu la chance d’être vite repéré par adk (adeclik), ce qui m’a permis d’évoluer rapidement avec des joueurs d’un bon niveau. J’ai beaucoup appris durant cette période puisque j’évoluais avec des joueurs beaucoup plus âgés que moi. Ensuite, j’ai rejoint don’Touch, eSport-eu, puis aAa avec heuka, instanz, eternalz et atLaNtis. Au final, j’ai participé à plus de 150 tournois (en format LANs, en majeure partie) sur plus de 10 ans de compétition. Je n’étais pas l’un des meilleurs joueurs français, c’est vrai, mais j’ai toujours essayé d’apprendre des choses qui dépassaient le cadre du jeu. Ma carrière a été un « laboratoire » permanent. Puis, ce qui m’a permis de franchir un cap « humainement », ce sont les rencontres avant tout, plus que les résultats. Côtoyer Wily (ancien coach chez Goodgame) ou Milkman (ancien coach chez btb), m’a permis de beaucoup apprendre. Ton pseudo a resurgi dans le monde de CS en 2017 lorsque tu as publié un livre sur l'esport avec une grande partie sur CS. Mais avant cela, tu étais tombé dans le parfait oubli. Peux-tu nous raconter ton parcours de ta retraite de joueur à ton retour ces derniers mois ? A partir de quand t'es-tu intéressé à CS: GO ? En vérité, je n’ai jamais vraiment délaissé CS. Certes, je ne jouais plus régulièrement, mais j’ai toujours suivi la scène en me disant que j’y reviendrai un jour ou l’autre ; que ce soit en tant que manager ou en tant que coach d’une équipe. Finalement, devenir coach est un objectif que je me suis fixé dès mon plus jeune âge. J’ai toujours voulu faire ça (parce que j’ai toujours poussé les autres à donner le meilleur d’eux-mêmes), et je crois que j’avais déjà plus ou moins endossé cette position quand j’étais joueur. Aujourd’hui, il s’agit « simplement » de la concrétisation d’un projet de longue date qui m’a pris beaucoup de temps et d’énergie. Pour ce qui est de la partie professionnelle, j’ai travaillé pour certains médias dans le monde du football (Onze Mondial, principalement), et j’ai écrit un livre sur le thème du management sportif qui a plutôt bien marché. J’ai également eu le privilège de pouvoir donner des cours de management à des officiers supérieurs dans le milieu militaire. Et, finalement, tout ce « chemin » fait qu’aujourd’hui, je pense avoir un profil assez polyvalent. Je ne voulais surtout pas revenir sans avoir le bagage nécessaire : être un ancien joueur, peu importe le niveau, ne suffit pas à faire un bon coach. Le top français est un cercle très fermé et largement composé d'anciens joueurs de Source. La question que tout le monde se pose est comment as-tu réussi à en arriver à cette position de coach chez Vitality ? Explique-nous le processus et la prise de contact. Pour être très sincère, j’aurais déjà pu revenir plus tôt dans cette position de coach. Initialement, j’avais contacté EnVy pour remplacer maLeK après son départ, et je pense que cela partait plutôt bien ; même si mon travail aurait été bien plus complexe avec cette équipe. Ensuite, mon désir de revenir sur la scène s’est vraiment accéléré à force de m’intéresser à la situation de Vincent (Happy). J’avais vraiment envie de le coacher et cela faisait partie de mes conditions pour revenir : je n’aurais pas monté cette équipe sans lui ; j’étais décidé et très têtu sur ça. Ensuite, ma rencontre avec Nathan (NBK), a permis au projet « global » de se concrétiser et de prendre un nouveau virage. On a très rapidement été sur la même longueur d’ondes tous les deux. Entre lui et moi, je ne perçois aucune faiblesse. Et c’est la chose la plus importante à mes yeux aujourd’hui. Tu t'es beaucoup intéressé au coaching dans le milieu du football, la mentalité, les méthodes et les différentes visions. As-tu fait valoir cette expérience théorique pour te vendre auprès des joueurs ? Sincèrement ? Non, je n’ai pas utilisé de « ressorts » particuliers pour pouvoir les convaincre, j’ai simplement cherché à être le plus naturel possible avec eux. Cependant, en amont, j’avais bien pris le temps d’étudier le profil psychologique de chaque joueur avec lequel j’avais envie de travailler. Ensuite, je pense qu’ils ont compris une chose essentielle : je ne reviens pas sur la scène esport pour m’amuser. Par chance, et aussi grâce à mon travail, ma carrière professionnelle est très belle. Je ferai le maximum pour que cela continue parce qu’aujourd’hui, rien ne me rendrait plus heureux que de voir les joueurs qui m’accompagnent au sommet. Quelle idée te faisais-tu du travail de coach sur CS:GO et as-tu été surpris par certaines facettes ? Si oui, lesquelles ? Aucune en particulier, tout ce que je sais, c’est qu’il s’agit d’un métier où il faut s’adapter à chaque situation, chaque joueur étant différent. Le "cœur" du métier reste le même peu importe la discipline dans laquelle tu évolues. Après, je connais assez bien ce jeu pour savoir que j’ai quelque chose à apporter à mes joueurs. De toute façon, je ne serai pas revenu si ce n’était pas le cas. Le coaching sur CS: GO est désormais monnaie courante dans le top, un consensus général semble indiquer que zonic est sans doute ce qui se fait de mieux. As-tu des inspirations de coachs déjà en place ? Peut-être as-tu échangé avec certains ? Pour être franc, mes sources d’inspirations sont multiples : il peut s’agir d’un entraîneur de football (Guardiola, Mourinho ou Deschamps), d’un coach sur CS comme zonic (ou sur LoL, par exemple avec Zaboutine), comme d’un philosophe ou d’un écrivain. J’ai eu la chance d’évoluer dans un univers où on te force à croire à une idée très simple : tout le monde peut t’apprendre quelque chose. Il suffit "simplement" de bien tendre l’oreille et de savoir trier les informations.
Avec un tel "retard" sur CS: GO, quelles ont ou sont encore tes principales lacunes concernant ton rôle de coach ? Déjà, je ne pense pas spécialement être en « retard », mais plutôt dans un processus d’observation qui a démarré depuis plusieurs mois désormais. Il va surtout falloir que je me familiarise avec les règles propres à chaque tournois. Forcément, tu es relativement inconnu du jeune public CS: GO et cela devrait entraîner une certaine pression d'autant plus lorsqu'on voit comment maLeK a pu essuyer de nombreuses critiques. T'es-tu préparé "psychologiquement" à être jeté sur le devant de la scène et d'être potentiellement la cible de critiques ? C’est la règle du jeu, et il faut savoir vivre avec, que tu sois joueur, coach, ou manager. Si tu n’es pas capable de résister à cette pression (et aux critiques), ce n’est même pas la peine de vouloir évoluer à ce niveau. De mon côté, je sais que beaucoup de gens s’interrogent : « est-ce qu’il pourra résister à la pression urgente de gagner des titres ? » ; mais c’est ce que j’aime. Et surtout, j’ai besoin de cette adrénaline pour être performant. Il y a des gens qui seront payés à commenter mon travail : je l’accepte sans la moindre once d’animosité envers-eux. Je suis prêt à prendre tous les coups. Comment gères-tu la concurrence à ton poste ? Forcément, Vitality a énormément de moyens, une équipe aux ambitions très élevées, et il pourrait potentiellement y avoir du beau monde au portillon guettant ton moindre faux pas. C'est quelque chose auquel on pense ou on se prépare un minimum ? On vit avec, tout simplement. Même Zidane et Guardiola seront critiqués un jour, alors imagine pour moi… Le foot et Counter-Strike peuvent se rejoindre sur le fait que les équipes peuvent avoir leur propre style de jeu. Certains coachs comme Klopp souhaitent avant tout donner du plaisir visuel aux spectateurs tandis que d'autres comme Mourinho ne parlent que de résultats parfois au détriment du spectacle. Penses-tu que l'on peut en faire une analogie sur CS:GO ? Bonne question ça ! J’y ai beaucoup réfléchi sincèrement, et je pense que chaque style de jeu sur CS peut apporter du plaisir aux spectateurs. Bien sûr, ma préférence va à la rigueur in game d’Astralis, mais j’apprécie aussi voir Na`Vi dans un autre registre quand ils sont au top de leur forme. Ma seule conviction par rapport à cela, c’est que pour briller durablement, le style d’Astralis est plus viable parce qu’il exclu -un peu plus- l’aspect individuel de la réussite collective (même si les 5 joueurs restent des monstres). Alors que, chez Na`Vi, si les stars ne sont pas en forme le jour J, cela ne passera pas. A l’inverse, Astralis pourra toujours s’en sortir grâce à sa science du jeu. Ce parallèle existait déjà à mon époque avec emuLate et Millenium/BURNING. Et c’est bien emuLate qui a été le plus performant sur la scène internationale. Le "pouvoir" au sein des équipes (concernant les changements de joueurs, le jeu à adopter, etc.) semble encore beaucoup entre les mains des joueurs et du lig, du moins dans la majorité des équipes. Penses-tu que les coachs sont amenés à prendre ça en main davantage, comme dans le sport traditionnel, où l'entraîneur est réellement le maître à penser d'une équipe ? Difficile à dire… une nouvelle fois, je pense qu’il s’agit de quelque chose de très "situationnel", c’est-à-dire qu’il faut savoir s’adapter aux joueurs que tu as sous la main. Par exemple, je ne vais pas apprendre CS à NBK ou à apEX : il faudrait être sacrément prétentieux pour penser cela possible. Par contre, si tu me donnes une équipe du subtop, il est possible que j’endosse une position plus « professorale » on va dire. Ensuite, tout dépend de la relation que tu entretiens avec ton capitaine. De notre côté, tout est très clair : le jeu collectif pour Nathan, la partie individuelle et la gestion du mental pour moi.
NBK semble avoir réellement envie de devenir un leader in-game et Happy va devoir se mettre à son service, s’accommoder à un style qui n'est peut-être pas forcément le sien, lui qui a été ce grand leader par le passé. Or, on sait que le succès de l'équipe se reposera en grande partie sur la relation NBK - Happy. Elle a sans doute reçu du plomb dans l'aile de manière périodique ces dernières années. Joues-tu un rôle dans le maintien de cette relation ? Et si oui, comment éviter tout sentiment de frustration d'un côté comme de l'autre ? C’est très simple, il s’agit de deux personnes très intelligentes et très matures. Donc, on a simplement discuté ensemble du plan de jeu qu’on voulait mettre en place. Nathan est le leader, Vincent est celui (avec Dan) qui doit lui apporter un aspect stratégique en plus. Pour le moment, tout se passe très bien et je crois que cette période va être très bénéfique pour les deux. Happy et RpK sortent tout droit de plusieurs mois cauchemardesques avec EnVyUs où rien n'allait en interne. As-tu pu débriefe cette période avec eux et en as-tu tiré des enseignements pour l'avenir de Vitality ? Bien sûr… pour être franc, j’ai été mis au courant de beaucoup de choses qui se sont passées chez EnVy. Cela ne m’a pas vraiment surpris et surtout, cela m’a permis de constater une chose que je savais déjà : les gens qui commentent la vie d’une équipe de l’extérieur sont à des millénaires d’avoir toutes les informations pour porter un jugement censé. Tu as la chance de coacher le plus grand espoir que la scène française ait connu sur Counter-Strike. ZywOo est très discret, très énigmatique, comment as-tu appréhendé ce personnage et comment essayeras-tu de le "préserver" ? Tu as employé le mot parfait pour résumer cette situation : « la chance ». Car, aujourd’hui, je me considère vraiment comme un privilégié de pouvoir côtoyer Mathieu. Dans ma carrière, j’ai également eu la chance de côtoyer de jeunes joueurs avant leur explosion sur la scène (Blqcko et instanz principalement). Et désormais, je veux voir Mathieu tout en haut de l’affiche : je ferai le maximum pour l’accompagner durant ce processus. Ce n’est pas uniquement mon rôle d’ailleurs. Ensuite, au-delà du jeu, je pense qu’il dispose des prérogatives pour devenir un vrai grand joueur : c’est-à-dire, une vraie éducation et un respect de certaines valeurs. Mathieu n’est pas seulement un très grand joueur en devenir, il est bien plus que cela. A nous de lui donner les clefs pour lui permettre de côtoyer les étoiles désormais. Tu as connu des teams où l'ambiance était amicale, dans le sens premier du terme, c'est à dire que plus que des camarades de jeu, tes coéquipiers étaient de véritables amis dans la vraie vie. On sait que ce n’est pas forcément si évident chez Vitality, est-ce que c'est quelque chose que tu penses indispensable pour réussir sur la durée et que tu souhaiterais donc instaurer ici ? Je dirais que c’est une donnée qui tend à être plus « vraie » aujourd’hui que par le passé à partir du moment où la nouvelle génération est différente au niveau du caractère et des demandes vis-à-vis de l’ambiance générale d’une équipe. Après, trop d’amitié sans pression, cela freine forcément la progression. Il s’agit d’un juste milieu à trouver.
Est-ce que tu effectues également un travail d'analyste pour cette équipe ? Si non, est-ce que c'est un poste ouvert dans ton équipe ou vous voulez faire sans ? Pour le moment, on a décidé d’évoluer sans analyste. On préfère voir quel travail Nathan et moi-même on peut fournir ensemble. On est fermé à « rien », mais on veut avant tout poser une vraie méthodologie de travail ensemble. Vous allez partir de 0 : pas de slot en Major, ni en ESL Pro League, ni en ECS. Avez-vous déjà des priorités fixées, des directives que vous vous êtes mises sur ce qu'il fallait atteindre à court/moyen/long terme ? Disons qu’à partir du moment où on veut s’inscrire sur la durée avec cette équipe, partir de 0 ne nous fait pas vraiment peur. Au contraire, je trouve qu’il s’agit d’un processus très intéressant pour l’équipe : cela doit nous apprendre l’humilité. L’humilité nécessaire pour accepter d’entamer une ascension longue pour atteindre nos objectifs. Les grandes équipes naissent dans la difficulté et dans le travail, puis dans la notion de sacrifice, à nous de bien faire les choses. L'entraîneur de foot doit souvent faire preuve d'imagination pour créer de nouveaux exercices d'entraînement, de nouveaux moyens pour faire passer un message le plus clair possible à ses joueurs. Trouves-tu qu'à l’heure actuelle, les coachs sur CS:GO ont assez d'outils pour réellement exploiter leur plein potentiel ou il existe encore des limites qui peuvent s'avérer frustrantes ? C’est même le cœur du métier d’entraîneur : savoir varier les entraînements pour éviter de développer une forme de « routine » qui pourrait nuire à l’envie d’apprendre de tes joueurs. Pour ça, je vais être très sincère : je n’aurais pas pu mieux tomber qu’avec Nathan. Il est déjà très avance sur beaucoup de sujets pour son âge. Durant ma carrière de journaliste et de joueur, j’ai eu le privilège de côtoyer des grands champions dans de beaucoup de disciplines différentes. Et j’ai la conviction absolue que Nathan fait partie de ce type de personnes. Il a compris l’essentiel : pour être un grand leader, il faut s’intéresser à d’autres sujets que le jeu et s’enrichir intellectuellement. Ensemble, on essaye donc d’adapter le concept de planification anthropologique (utilisé dans le football notamment) à CS. C’est-à-dire, qu’on cherche en permanence quel est l’homme nouveau qui doit naître de l’entrainement. Répéter des strats bêtement sur un server pendant des heures, cela ne m’intéresse absolument pas. Je veux qu’on aille plus loin que ça, beaucoup plus loin. Hormis apEX, il semblerait que tu ne sois pas vraiment dans une équipe de footeux. Ca te gêne pas ? :D (rires) ! Non non… je pense même que c’est préférable d’ailleurs, on monopolise déjà assez le TeamSpeak comme ça : D Plus sérieusement, on a vraiment une équipe de passionnés, et c’est ce qui me rend le plus heureux quand je rejoins mes joueurs avant l’entraînement. On prend le temps d’échanger, de discuter de nos passions communes ; et je n’échangerai ces moments contre rien au monde. Le dernier mot est pour toi. Merci à toi pour l’interview, déjà. Ensuite, je tiens à remercier toutes les personnes de chez Vitality qui ont permis à ce projet de voir le jour. Tout particulièrement Fabien et Nicolas. Tout le monde sait que Vitality voulait rejoindre la scène CS depuis un moment, le rêve est devenu réalité ! Désormais, je me demande seulement ce que nous devons offrir à nos fans pour leur permettre de retrouver un peu de joie après une période compliquée pour la France sur CS. Soyez en sûrs, nous ne venons pas pour réclamer du temps, seulement pour donner le meilleur de nous-même. Merci également à Nathan Laprade pour m’avoir accompagné depuis le début de ce projet. |
Merci à faculty pour ses réponses.
Traduction en anglais par SPK, Stonz et Miles.
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