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Pourquoi les maillots se ressemblent tous ?

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Deux ans et demi après la parution du magazine VaKarM, fin 2021, nous avons décidé de mettre en ligne les principaux articles le composant, histoire d'en faire profiter ceux qui ne l'avaient pas commandé à l'époque. Ne vous étonnez donc pas si ces articles vous disent quelque chose, il est possible que vous les ayez déjà lus sur papier !

Article rédigé par MrHusse

Le constat est terrible. Lorsqu’on regarde les maillots des vingt meilleures équipes du monde fin 2020, quinze d’entre elles arborent des tenues à dominante noire ou rouge. Si on y ajoute le blanc, ce sont dix-sept formations qui ont fait le même choix colorimétrique. Les trois exceptions ont quant à elles opté pour le bleu, et viennent toutes du continent américain : Evil Geniuses, Team Liquid et FURIA. Alors, pourquoi ce manque criant d’originalité dans les designs des maillots griffés de nos équipes préférées ? Pourquoi doit-on s’y reprendre à deux fois pour en différencier certains, comme ceux de Gambit et d'Astralis ?

Dans les sports traditionnels, la création d’une identité de club, dont le maillot est souvent l’expression première, s’inscrit généralement dans un contexte social, culturel, économique et politique particulier. Ces différentes dimensions imprègnent directement l’imaginaire collectif qui entoure le club et s’attachent aux couleurs.

Ainsi, le maillot rouge et jaune ("sang et or") du RC Lens, au-delà des origines du choix esthétique, rappelle aujourd’hui invariablement le lien fort entre le club et les populations ouvrières des bassins miniers de la région. Ces mêmes couleurs, lorsqu’elles sont arborées par le FC Barcelone, renvoient à un tout autre ancrage socio-culturel, celui de l’indépendantisme catalan et de son histoire conflictuelle avec le pouvoir central espagnol.

D’autres exemples nous disent ce que fut l’histoire d’une pratique sportive dans une région spécifique. On pense notamment à l’Athletic Bilbao, dont les rayures blanches et rouges témoignent de l'importance du port de la ville dans le commerce entre l’Angleterre et l’Espagne à la fin du XIXe siècle. Cette proximité se retrouve dans le nom anglicisé (Athletic au lieu d’Atletico) et dans les couleurs, directement empruntées au Southampton FC.

 

Un ancrage socio-historique limité

L’esport, en tant que discipline du XXIe siècle, peut difficilement s’appuyer sur de telles ressources symboliques. Son aspect internationalisé le prive d’un ancrage local marqué, qui dépasse rarement le niveau de la nation. Ainsi, on a vu certaines équipes tenter de jouer sur la corde patriotique de ses fans en imprimant des maillots spéciaux aux couleurs des pays représentés par ses joueurs. G2 s'y est notamment essayée pour la France, la Belgique ou l'Espagne. Team Liquid avait aussi investi ces représentations avec un maillot aux teintes américaines, tout comme MIBR, dont une large partie de la stratégie marketing s’appuie sur un nationalisme brésilien exubérant.


shox en bleu-blanc-rouge (photo : HLTV)

Pour trouver des tentatives d’ancrages géographiques plus localisés, il faut se pencher du côté de l’Overwatch League, qui a tenté d’identifier des équipes à des villes, échelle la plus classique du supporteurisme dans le sport conventionnel.

De fait, les clubs de foot, de rugby ou de basket profitent d’une attache socio-historique importante pour associer leurs couleurs à un ensemble de représentations culturelles. À l’inverse, l’esport, bien qu’essayant de copier les pratiques de ces sports traditionnels en sortant des maillots et en déclinant leurs couleurs sur une multitude de vêtements, ne peut que difficilement s’appuyer sur des traditions et une histoire partagées. Dès lors, ce n’est pas dans cette voie qu’il faut chercher la similarité flagrante des maillots, mais dans le but premier de la création de ces objets, à savoir le marketing.

 

Des objets commerciaux avant tout

Il serait naïf de penser, aujourd'hui, que les maillots des clubs de sports traditionnels ne sont pas des objets commerciaux. Il suffit de voir l’accumulation de sponsors sur ceux de certaines équipes pour comprendre que les joueurs, et par extension les supporters, sont devenus de véritables vitrines publicitaires ambulantes. D’ailleurs, cette tension entre identité historique et capitalisme galopant a poussé certains championnats, comme la Premier League anglaise, à n’autoriser qu’un seul sponsor sur le torse du maillot.

Sur CS:GO, et dans l’esport en général, la situation est différente. En l’absence de contraintes importantes quant à l’identité historique d’un club, la création du maillot est régie par les règles classiques du marketing et de la théorie des couleurs. Le noir représente le sérieux, le prestige et éventuellement la mort, alors que le rouge est souvent associé à la passion et au courage. Nulle surprise donc de voir ces couleurs sur la quasi-totalité des maillots des équipes. Pis encore, en tant qu’objets proprement marketing, les maillots esportifs sont avant tout pensés par rapport au public auquel ils se destinent, majoritairement masculin et plutôt jeune. Il n’est alors pas étonnant de voir les mêmes motifs et les mêmes gammes chromatiques déclinés à l’infini, que ce soit sur les maillots ou les équipements estampillés "gamers", quasiment tous noirs et rouges.


Cinq sponsors affichés, du rouge, du noir : c'est un bingo pour l'ancien maillot d'Astralis

Ainsi, si les maillots des équipes se ressemblent tous, c’est autant par manque d’imagination des concepteurs que par la représentation qu’ils ont des goûts du public ciblé, qu’ils soient réels ou fantasmés. Le but du maillot n’est pas tant, comme dans d’autres sports, d’incarner l’identité du club, autour de laquelle on peut décliner des variantes liées aux considérations mercatiques, que d’être le plus rassembleur et consensuel possible car sa vente participe à la rentabilité toujours espérée des structures.

Plus que les maillots, ce sont les logos qui semblent plutôt incarner la spécificité de chaque équipe dans l’univers de l’esport. Bien que ne bénéficiant pas plus de l’ancrage socio-historique évoqué précédemment, ils apparaissent plus divers, plus originaux, plus colorés et, pour certains, possèdent d’ores et déjà une histoire et une tradition qui leur sont propres, que l’on pense à ceux de NiP, fnatic ou encore Na’Vi.

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