Ils ne se surnomment ni shox, ni GeT_RiGhT, ni coldzera et pourtant ils ont également atteint un niveau de maîtrise inégalé sur Counter-Strike. Loin des projecteurs du circuit classique des compétitions, ils passent des milliers d'heures à s'entraîner dans leur coin sans jamais recevoir la notoriété qu'ils mériteraient peut-être tant leur talent est incroyable. Counter-Strike est célèbre pour son usage traditionnel, deux équipes s'affrontant sur une carte dite "Defuse", mais si le FPS de Valve s'est inscrit dans la légende du jeu vidéo, c'est également grâce à ses disciplines annexes plus discrètes. 

La politique très ouverte aux développeurs tiers appliquée par Valve a permis à de nombreuses initiatives communautaires de voir le jour durant ces dix-neuf dernières années. Des divers plug-ins à l'infinité de cartes réalisées par les joueurs, Counter-Strike est devenu bien plus qu'un jeu où les gentils doivent empêcher les méchants d'amorcer une bombe. En fait, avant l'arrivée du matchmaking avec Global Offensive, la majorité des joueurs n'avaient jamais pris part au moindre match compétitif dans le sens où on l'entend aujourd'hui. 

Counter-Strike est historiquement un mod constitué de plusieurs petits mods internes n'ayant jamais été institutionnalisés par Valve. Nous avions tenté dans un précédent article de lister quelques-uns des mods les plus populaires, à l'époque sur Counter-Strike: Source. Parmi eux, certains semblent regrouper toutes les caractéristiques propres à des disciplines de sport électronique à part entière. 

A commencer par le surf. Si vous avez un jour la curiosité de rejoindre un serveur avec une carte au préfixe "surf_", vous découvrirez une facette de votre jeu favori totalement inédite avec des environnements intuitivement glissants. Les cartes "surf_" dite à "skill" proposent aux joueurs dans un premier temps de terminer un parcours plus ou moins long avant d'essayer d'améliorer leur chronomètre et éventuellement battre celui des autres, réunis dans de grandes bases de données accessibles sur la plupart des serveurs. 

Des parcours pour débutants aux circuits les plus extrêmes, il existe une variété de cartes presque infinie permettant aux joueurs de monter en puissance petit à petit. Avec des sensations qui pour certains leur rappelleront leurs exploits sur Trackmania, le surf est assurément une discipline facile à appréhender mais tellement difficile à maîtriser. De la même manière que la communauté du speedrun, il existe depuis des années tout un travail d'archivage des meilleurs temps sur chaque carte et certains joueurs ont réussi à se faire un petit nom au sein de cercles malheureusement assez restreints en obtenant des World Records souvent abrégés en WR. 

Le record du monde sur surf_lt_omnific réalisé par sinsa

Inutile de vous dire qu'un détenteur d'un record du monde n'a rien à envier à un joueur professionnel si l'on compare leur temps respectif passé sur le jeu. Entre les premiers pas sur la carte et un record du monde, des centaines voire des milliers d'essais sont obligatoires afin de déterminer les trajectoires parfaites et les coups de souris adéquats aux moments opportuns. Le tout se jouant au centième de seconde près. 

Le surf n'est pas une science excate et il est difficile d'établir une véritable hiérarchie de niveau entre les cartes. Néanmoins, quand la question de la carte la plus difficile jamais créée est posée, beaucoup répondent surf_sinsane_ksf pour sa technicité ou surf_lt_omnific pour sa longueur (5 minutes 24 secondes non-stop !). 

La chaîne YouTube KSF Records recense de nombreux records du monde et constitue l'un des plus beaux réservoirs encore disponible de vidéos de surf. Si ce n'est déjà fait, allez y jeter un coup d'oeil car la beauté de cette discipline en vaut la peine. La fluidité des mouvements et les trajectoires parfaites passant de décor en décor semblent former une véritable symphonie. Entre le surf à haut niveau et l'art, il n'y a finalement qu'un pas. 

Autre discipline reprenant les mêmes codes que sa voisine du surf, le climbing. Que ce soit sur des cartes aux préfixes xc_ ou kz_, il existe là aussi un panel de cartes différentes impressionnant. Ici, le but est de grimper par l'intermédiaire de saut de bloc en bloc jusqu'au sommet d'un parcours. Là encore, le scénario est simpliste et pourtant chaque carte propose aux joueurs une nouvelle aventure, avec un nouvel environnement (souvent thématique) et surtout des obstacles inédits. 

La majorité des serveurs climbing mettent en place un système de téléportation autorisant le joueur à revenir à un point de sauvegarde en cas de trop grande chute. Futile de penser que les spécialistes désirant rejoindre le sommet dans des temps records sauvegardent un minimum de positions. Ainsi, là où un débutant peut aisément passer plusieurs heures voire plusieurs jours pour compléter une carte, un grimpeur expérimenté mettra seulement quelques minutes. Comme dans la vraie vie quoi. 

Orbit, l'un des grands noms du climbing, sur l'une des cartes les plus difficiles

A regarder les vidéos des records du monde, on frise la crise d'épilepsie tant le viseur va dans tous les sens. Néanmoins, si vous souhaitez vous mettre à l'escalade virtuelle et peut-être devenir le futur Alex Honnold de Counter-Strike, commencez par apprécier les environnements dans lesquels le créateur de la carte veut vous plonger. C'est ici une spécificité de la discipline, beaucoup plus que pour le surf par exemple. 

De la même manière que pour le surf, le climbing Counter-Strike doit sa survie médiatique à ses nombreuses archives. Il existe plusieurs sites communautaires généralement rattachés à des serveurs de jeu ainsi qu'un grand nombre de chaînes YouTube dont celle d'Orbit ou celle plus générique de KZ Climb. A noter que quelques compétitions ont même vu le jour sur cette discipline sous la forme de duels. Voici l'exemple de la grande finale d'un tournoi organisé par Zach47 en 2017. N'est-ce pas incroyablement prenant ? 

Dernier aspect de Counter-Strike dont nous voulions vous parler dans cet article : le bunny hopping. Sur du Thé à la Menthe endiablé, phoon a propulsé cette pratique sur le devant de la scène avec sa fragmovie légendaire "Too much for zBlock" visionnée des millions de fois. A l'époque, sur CS:Source, le bunny hopping était largement facilité par le jeu lui-même, beaucoup plus que sur son ainé 1.6. Si les gens ont halluciné de voir qu'un joueur pouvait arriver dans le dos de ses adversaires dix secondes seulement après la fin du freeze-time, ils se sont rapidemment pris au jeu, créant ainsi une véritable discipline. Le bunny hopping est devenu un véritable phénomène comme en témoigne ce tutoriel pionnier réalisé par Aoki, une des figures de la communauté, avoisinant le million de vues. 

Néanmoins, si phoon est devenu une telle icône, c'est aussi car son oeuvre est très critiquée et les soupçons de tricherie ou d'utilisation de scripts tiers ont alimenté les discussions et reviennent parfois encore sur le tapis aujourd'hui. Le bunny hopping consiste à utiliser de manière optimale un timing entre chaque saut permettant d'engranger de la vitesse et de potentiellement parcourir des distances normalement longues à couvrir dans des temps raccourcis. 

De nombreux logiciels tiers ont permis à certains tricheurs d'automatiser cette technique et c'est pourquoi le doute est de mise sur énormément de vidéos. La pratique du bunny hopping en matchs compétitifs s'est tellement démocratisée à un moment donné que J3DI, développeur reconnu sur CS:Source engagé par Valve, avait tenté de la bloquer avec son plug-in utilisé en compétitions, le zBlock (d'où le titre de la vidéo de phoon). C'est finalement Valve qui a mis un coup d'arrêt presque définitif au bunny hopping ultra rapide avec une série de mises à jour d'abord sur CS:S puis sur Global Offensive. Ainsi, il serait peu probable aujourd'hui de voir surgir un phoon 2.0.

En 2015, SomebodyEpic a battu ce record du monde précédement détenu par la légende du bunny hop : Forest. 

Pour en revenir à la discipline du bunny hopping, elle s'est concentrée, comme ses compères du surf et du climbing, sur des serveurs spécialisés avec des cartes bhop_. Là encore, le principe fondamental est de terminer un parcours le plus rapidement possible. Les obstacles sont dans la majorité des cas matérialisés par des petites cases sur lesquelles le joueur ne peut effectuer qu'un appui succinct. Si ce dernier reste trop longtemps sur la case, alors celle-ci se désactive et le joueur doit recommencer. Cette infrastructure oblige ainsi les joueurs à n'avancer que par un enchaînement de sauts. 

La méthode est relativement complexe à appréhender et nécessite déjà une expérience de jeu poussée. Le débutant peut se retrouver bloqué très tôt et devra suivre un entraînement régulier afin de coordoner correctement les timings entre chaque saut. Quant aux meilleurs, c'est tout un spectacle. Il est fascinant de voir comment deux joueurs, à contexte égal, peuvent se déplacer si différement sur un même serveur. 

L'heure de gloire de cette discipline est néanmoins peut-être derrière nous tant elle est intimement liée à CS:Source. Encore aujourd'hui, les plus courageux battent des records de vitesse sur cet ancien opus qui reste la mecque ultime du bunny hopping. Les collections de vidéos sont les témoins de ces performances (SourceJump / fastehops) . 

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Le surf, le climbing et le bunny hopping sont en quelques sortes les trois sciences du déplacement de Counter-Strike. Les matrîser, c'est s'assurer une fluidité dans ses mouvements à toute épreuve qui peut s'avérer très utile en matchs officiels. Il n'est pas rare de voir des joueurs professionnels s'entraîner sur ce genre de cartes et il est de notoriété publique que f0rest et friberg sont par exemple d'excellents surfeurs. 

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Ils se surnomment sinsa, Orbit, kohZe, Forest ou SomebodyEpic. Ils n'ont pas de compte Twitter avec des centaines de milliers de followers. Leur passion reste un hobby amateur malgré un nombre d'heures incalculable à recommencer encore et encore inlassablement chaque parcours. Ils offrent un spectacle grandiose. Ils sont des virtuoses de Counter-Strike et leur discipline méritait bien un hommage. 

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