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Blog de la rédac : WESA, l'association de la discorde

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Après l'annonce en fanfare de la création de la WESA, il nous semblait important de revenir dessus et d'aller un peu plus loin que les communiqués officiels. En effet si, sur le principe, cette initiative peut partir d'une bonne intention, il nous semble que derrière les discours la réalité est plus floue.

De l'ouverture et la transparence

La WESA se définit elle-même comme une organisation "ouverte", transparente, visant à rassembler "tous les participants autour de la table". On se croirait presque à Miss France, il manque juste la paix dans le monde. Le problème est que dans la réalité, on est assez loin de ça.

Premier couac, sur la volonté de rassemblement... Il n'aura pas échappé que si huit structures sont associées à la WESA certains grands noms sont curieusement absents : Luminosity, Astralis, Cloud9 ou Liquid par exemple. Si a priori cette liste n'est pas fermée, les conditions pour rentrer semblent assez floues : à côté de critères relativement objectifs (être sur plusieurs jeux), on trouve de multiples critères plus difficiles à évaluer comme "avoir de l'expérience et une volonté de faire progresser l'esport" ou encore "avoir une longue histoire dans le développement et la promotion des talents dans l'esport". Si on n'a rien à dire sur la "longue histoire" pour fnatic ou Na'Vi, qui étaient déjà sur CS 1.X, on a plus de mal à voir comment FaZe, passé à la compétition depuis seulement 3 ans, rentre dans ce critère ; soit, la "longue histoire", dans le sport électronique, c'est très relatif.

Mais en plus de ces critères, le CEO de la WESA laisse entendre que les teams déjà membres ont leur mot à dire sur l'intégration de nouvelles structures. Et n'oubliez pas que ces structures vont se partager une partie des revenus des compétitions d'ESL. Donc si on résume, huit structures sont assises autour d'un gateau à se partager, et c'est entre autre à ces huit entités, bien connues pour leur philantropie, qu'on va demander s'il reste assez de parts pour un neuvième, dixième ou onzième convive.

Les membres fondateurs laisseront-ils des parts aux autres invités ?

Bref, c'est théoriquement ouvert... Pour la pratique, nous attendrons avec impatience le résultat des premières candidatures d'adhésion.

L'ouverture aux autres compétitions semble pour le moins également limitée. Si la WESA n'est pas contre le fait de collaborer avec d'autres compétitions, par exemple pour la mise en place d'un règlement commun, pas question pour un organisateur tierce (comme la MLG qui a organisé le dernier major, ou Oxent pour l'ESWC) de rejoindre la structure et donc d'avoir voix au chapitre : 

So we think the right solution is to have ESL work with other organizers via WESA to balance schedules, but the fundamental structure of WESA doesn’t allow for more organizers to be members.

Donc nous pensons que la bonne solution est pour ESL [NDLR : notez bien ESL, pas WESA] de travailler avec les autres organisateurs pour établir le calendrier, mais la structure fondamentale de la WESA ne permet pas à d'autres organisateurs d'être membres.

James Lampkin, Vice Président Pro Gaming chez ESL, interview du Daily Dot

Dans de nombreuses interviews, les représentants de la WESA font un parallèle avec la FIFA. Mais cette comparaison atteint vite ses limites. La FIFA à l'origine, c'est un rassemblement de sept associations organisatrices venant de différents pays. Pas la collusion d'un organisateur avec un certain nombre de clubs privilégiés.

Dernier point problématique, le côté au final très secret de tout ce processus. Si la volonté est de rassembler et d'être ouvert, pourquoi avoir conduit toutes ces discussions pendant plus d'un an dans le plus grand secret ? Pourquoi ne pas publier les statuts de l'association ? Pour une structure qui se veut transparente, ça commence à faire beaucoup de choses à cacher. Pourtant, au XXIème siècle, les exemples de projets importants et transparents ne manquent pas, Wikipedia ou de nombreux projets open sources étant là pour le prouver.

 

La gouvernance

À défaut des statuts, quelques informations sont dévoilées sur le site de la WESA sur le fonctionnement de l'entité. Et là encore, les discours et la réalité ne correspondent pas complètement. Un bureau exécutif composé de quatre membres gère la WESA au quotidien, assisté d'un délégué neutre qui ne vient pas du monde de l'esport pour trancher en cas de besoin.

Sur la composition du bureau tout d'abord. Deux membres issus directement de l'ESL, deux membres désignés par les structures membres. Et non, pas de représentants des joueurs dans le lot. Mais quid alors de ce "Conseil des joueurs" là aussi largement mis en avant par la WESA dans sa communication ? Sur le papier, il a pourtant pour rôle de "donner du pouvoir aux joueurs concernant les règlements des compétitions, des transferts et bien d'autres choses".

Et là encore, c'est la communication de la WESA, jouant sans cesse sur les mots, qui pose problème. Ainsi, dans une session de questions/réponses sur reddit, ils indiquent ceci :

This player-elected Council will be the link between the players and the WESA executive board, and - on behalf of all players - will have a say in decisions the organization makes.

Ce conseil élu par les joueurs sera le lien entre les joueurs et le bureau exécutif et, au nom de tous les joueurs, aura un mot à dire sur les décisions prisent par l'organisation.

Bureau de la WESA, session de questions/réponses sur reddit

 

Si la dernière proposition de la phrase brosse plutôt les joueurs dans le sens du poil, au final ce conseil n'a, dans les faits, qu'un rôle consultatif ; les décisions reviennent bel et bien au bureau exécutif qui a toute latitude d'écouter (ou non) ce que le conseil à à dire. On n'est pas loin du comité théodule.

En espérant que le conseil des joueurs ait un peu plus de pouvoir...


Les membres de la WESA ont beau défendre le fait qu'elle n'a pas vocation à être le "syndicat des joueurs", elle n'est a priori pas non plus un syndicat des structures et pourtant leur offre bien deux places au bureau. Pourquoi ne pas avoir accordé aux joueurs du Conseil une place à ce même bureau ? Quitte à ce que dans le futur ces représentants soient désignés par un futur syndicat externe si la WESA voulait dissocier les rôles ?

Dernier point, on peut se demander si les représentants des structures, qui participent tous aux compétitions d'ESL, parmi les mieux dotées du circuit, seront réellement libres de leurs décisions.

 

Le pré carré

La WESA justifie son existence par le besoin de professionnaliser et de faire progresser encore plus le sport électronique. Mais comme le souligne Nomad d'HLTV dans un très bon billet, a-t-on vraiment besoin de cette organisation ? CS:GO a progressé comme jamais CS n'avait progressé en moins de deux ans sans le support d'une telle entité.

Alors oui, peut être qu'actuellement il a y a trop de compétitions. Mais la majorité des tops teams ont déjà levé le pied, laissant la place aux équipes du tiers 2 ou 3. A-t-on vraiment besoin de la WESA pour alléger le calendrier des compétitions ? Curieusement, on doute fortement que les événements de Turtle soient très impactés.

Alors oui, sans doute qu'il faudrait une entité organisée capable de s'opposer à Valve (au moins médiatiquement, la firme de Seattle ayant bien sûr la propriété intellectuelle sur CS:GO) sur certaines décisions, ou du moins à forcer l'éditeur à une plus grande transparence, par exemple sur la questions des bans.

Alors oui, sans doute qu'il faudrait harmoniser les règlements, les errements sur par exemple le pixel walking lors de la DreamHack 2014 faisant tache, ou encadrer un minimum les transferts, pour éviter que les grosses écuries pillent trop facilement les talents des jeunes structures même si Valve, via les règles de participations au Minor/Major, limite déjà un minimum la pratique.

Mais la WESA est-il le bon moyen de faire ça ? Vous l'aurez compris, dans l'état actuel des choses et sans un changement de cap important de l'organisation, nous en doutons fortement. Il faudrait pour cela une association véritablement ouverte, associant tous les acteurs de CS:GO : organisateurs, structures, joueurs mais aussi pourquoi pas sponsors principaux et médias et, soyons fous, un représentant de Valve ?

En outre, le risque de verrouillage du milieu est bel et bien réel, et si la WESA se défend à court terme de toute exclusivité, des rumeurs circulent sur la transformation en un circuit exclusif après deux ans... Et l'interview d'hastr0, le patron de EnVyUs, n'est pas pous nous rassurer sur ce point :

Speaking for myself here, I know it wouldn't sit well with the fans of our team at this moment when Counter-Strike is growing so fast.

Pour donner mon avis, je sais que ça [NDLR : une exclusivité] ne passerait pas bien avec les fans de notre équipe en ce moment, alors que CS se développe si vite.

Mike "hastr0" Rufail, Managing Director d'EnVyUs, sur le site de son équipe

Notez bien le "en ce moment". Bref, a priori, pour le futur, rien n'est exclu.

En réalité on a donc plus l'impression d'un regroupement d'entités déjà en place qui cherchent à consolider leurs positions actuelles dans un domaine économique en pleine croissance. En effet, avec un cout à l'entrée au final assez faible, comme le montre par exemple la PGL qui, en quelques éditions à peine, s'est imposée comme une référence pour la production audiovisuelle d'un match CS:GO, il est encore relativement simple pour une nouvelle entité (organisateur ou équipe) d'émerger, de se faire une place et donc de concurrencer les neuf membres fondateurs. La communication en mode "chevalier blanc de l'esport" passe donc assez mal une fois confrontée à la réalité des faits.

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