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Blog de la rédac : C'est Internet, c'est Internet !

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En cette période de confinement, l'esport possède un avantage indéniable : les compétitions peuvent se délocaliser, sans trop de contrainte, sur Internet. C'est ce qu'ont notamment fait l'ESL Pro League et FLASHPOINT, les deux ligues phares de ce printemps, initialement prévues en lan. Une chance dont ne bénéficie évidemment pas le sport traditionnel et qui nous permet de continuer à profiter quotidiennement de matchs de Counter-Strike, et de ne pas laisser l'esport à l'abandon pour les prochains mois. À la bonne heure.

Sauf que... les tournois en ligne, ce n'est pas pareil. Ce n'est pas pour rien que toutes les grandes épreuves ont des finales lans, que les trophées les plus prestigieux, et même ceux qui le sont un peu moins, ne sont distribués qu'en lan. Entre "être fort sur Internet" et "être fort en lan", il y a un monde. Les vainqueurs du VaKarM Awards du netteur de l'année, une catégorie ayant existé entre 2008 et 2010, pourront le confirmer. Tous ceux qui aiment lancer des "cu lan" à tout va aussi.

Dans le cas de joueurs amateurs, la question n'est pas si importante. Mais dans le cadre de la scène professionnelle, elle prend une autre ampleur. Certes, pendant cette période où tout est passé en ligne, les tournois vont continuer, les palmarès vont se remplir, l'argent va couler. Mais tous ces résultats seront toujours accompagnés d'un "meh", parce qu'ils ont été obtenus sur Internet. Le vainqueur de la Pro League saison 11 ne se hissera jamais à la hauteur des autres, car l'intégralité de la compétition aura eu lieu sur le web. Mais alors, pourquoi les lans et Internet, c'est si différent ?

Évacuons d'abord les considérations techniques. En lan, tout le monde est sur le même pied d'égalité. Pas d'histoire de lags, de ping élevé, de DDOS intempestifs. Pas d'excuses possibles de ce côté. Chez les pros, tout le monde se retrouve également avec une configuration identique : les PC et écrans sont fournis par l'organisateur. S'il a déjà pu y avoir des histoires de matériel loin d'être optimal par le passé, au moins, tout le monde avait le même. Et si problème il y a, le staff est présent pour régler le souci voire changer un PC. Bref, en lan, tout est fait pour que prime le jeu, et que toutes les questions pratiques ne gâchent pas l'enjeu.


chrisJ a été affecté par de forts lags lors du match OG - mousesports du 29 mars, qui l'ont notamment fait crasher en plein round. Pendant la pause technique, SPUNJ expliquait que lorsqu'il était encore joueur, il devait payer une seconde connexion, en plus de celle en place dans le reste de sa maison, pour pouvoir jouer sans problème sur Internet.

À une époque, se déplacer en lan constituait également le meilleur moyen, pour un joueur, de prouver qu'il était "clean". Tricher depuis chez soi, c'est relativement "facile". Une palanquée de logiciels plus ou moins efficaces peuvent être installés sur un ordinateur personnel, personne ne viendra vérifier. Mais en lan, activer son logiciel tiers puis l'utiliser en jeu, alors qu'il y a potentiellement du monde derrière votre dos qui regarde tous vos faits et gestes, c'est une autre histoire. D'autant plus si vous jouez sur un ordinateur fourni par l'organisation, comme chez les pros, et où vous ne pouvez, en théorie, rien installer d'externe. Pendant longtemps, être fort en lan suffisait à lever les soupçons qui pouvaient peser sur des joueurs très forts sur le net. Dans leur passé, Ex6TenZ ou shox ont su passer cette épreuve avec brio.

Les progrès des développeurs de logiciels de triche ont un peu écorné cet argument depuis. Les outils d'aide deviennent tellement discrets qu'il serait possible d'y avoir recours en lan. Le soupçon a quitté Internet pour s'immiscer dans les gymnases, salles des fêtes et autres palais des congrès. Malgré tout, quelqu'un qui a déjà prouvé sa valeur en lan aura toujours plus de reconnaissance et moins d'accusations potentielles qu'un autre ayant simplement démontré ses talents sur Internet.


Remis en question par Ozstrik3r quand il est arrivé sur Counter-Strike 1.6, shox a su convaincre l'emblématique leader français qu'il était "propre" en jouant sous ses yeux en lan

Tout ça c'est bien beau, mais ça n'explique pas tout. Non, ce qu'il faut aussi et surtout prendre en compte, c'est, comme pour plein d'autres choses de la vie, l'aspect mental. C'est dans la tête. Il y a une différence énorme entre l'atmosphère d'une lan, la présence d'un staff technique, de caméramans, d'un public survolté à quelques mètres, et l'ambiance confinée de sa chambre. Il y a une différence entre jouer avec le maillot officiel de son équipe sur les épaules et claquer des high five à ses coéquipiers après chaque round, et jouer en chaussons chez soi en ayant pour seul compagnie physique son chat. Il y a une différence entre la nonchalance d'une rencontre en ligne et la pression d'un match en lan.

Or, dans ce dernier contexte, seuls les meilleurs arrivent encore à performer. Vous ne rentrez pas dans l'histoire en gagnant un 1vs4 depuis votre bureau ; vous le faites en accomplissant la même chose sur une grande scène, avec 10 000 personnes devant vous prêtes à exploser, des caméras de partout et un trophée qui vous attend à quelques mètres. Ce qui compte vraiment, ce dont on se souviendra et dont on se souvient déjà, ce sont les victoires et les actions en lan, pas celles qui ont eu lieu en ligne.

Le déplacement de compétitions entières sur Internet efface cette dimension psychologique et transforme le visage de la scène compétitive. Certaines équipes excellent sur le web où elles peuvent jouer de manière relâchée puisqu'elles n'ont, plus que jamais, rien à perdre. Surtout face à de gros noms habitués exclusivement, ou presque, aux lans, et qui peuvent peiner à mettre en place le même système efficace sur le net.

Counter-Strike en ligne : les joueurs bénéficient de plus de confiance parce qu'ils jouent dans un environnement familier, et font des choses qu'ils ne tenteraient jamais en lan à cause du stress. Des équipes comme Astralis, Na'Vi ou Liquid, qui ne jouent qu'en lan, ne sont pas habitués à affronter sur Internet des équipes du tier 2. On va voir beaucoup de surprises.

Le meilleur exemple que je peux donner, c'était nous avec Space Soldiers. On était tellement confiant en ligne, on pouvait battre n'importe qui. Mais quand on jouait en lan, l'expérience de nos adversaires faisait toute la différence. Même si on voulait jouer de la même manière que sur le net, c'était psychologiquement impossible. C'était un jeu différent.

MAJ3R, revenant sur cette problématique peu avant le début de la saison 11 de Pro League

MAJ3R avait vu juste, la première phase de l'ESL Pro League en cours a accouché de plusieurs résultats surprenants, comme le sec 2-0 collé à Astralis par NiP, la défaite de Liquid face à Swole Patrol sur le même score, la victoire de BIG contre fnatic ou encore celle de Team Spirit lors de son match avec Vitality. Ce qui a donné raison à XTQZZZ, qui ne se montrait pas très confiant à l'idée d'affronter les Russes sur le web quelques jours avant la rencontre :

Spirit, c'est un style de jeu sur Internet qui est très individualiste, et c'est beaucoup plus facile de l'exprimer ici qu'en lan. Quand tu joues sur Internet, il y a une part d'émotion qui est moins importante que quand tu vas jouer en lan. Et forcément, quand tu as un jeu extrêmement débridé, c'est beaucoup plus facile de l'exposer sur Internet qu'en tournoi. Et je dis ça pour tout le monde ! Même nous, sur des calls, on va courir plus facilement qu'en lan.

XTQZZZ, évoquant le passage de la Pro League en ligne

Plusieurs joueurs ont même acquis de vraies réputations d'onliner, ou de netteur, tant leurs performances en lan étaient moyennes voire médiocres comparé à ce qu'ils pouvaient sortir sur Internet. chrisJ a ainsi longtemps été surnommé onlineJ durant les premières années de vie de CS:GO. Récemment et même encore maintenant, XANTARES peut entrer dans cette catégorie. Sur toute l'année 2019, il affiche un rating de 1,21 pour les matchs en ligne, contre 1,04 pour les matchs en lan. Dans les "Big Events", c'est-à-dire les plus gros tournois en lan, il tombe même à 1. Il affronte évidemment des adversaires d'un meilleur calibre en lan, mais il est tout de même difficile de ne pas aussi y voir un effet de la pression ou un manque d'adaptation, lui qui commence à ne plus être dépourvu d'expérience quand il s'agit de se déplacer partout dans le monde.


À gauche, les stats de XANTARES en lan en 2019 ; à droite, celles en ligne en 2019, selon HLTV.org.
Les chiffres de droite sont presque toujours supérieurs (KPR : Kill par round ; APR : Assist par round ; KAST : % de rounds où le joueur a soit fait un kill (Kill), soit obtenu une assist (Assist), soit survécu (Survive) soit été tradé lorsqu'il est mort (Trade)).

Cette sensation de supériorité sur le net peut être accentuée par les modifications de règles susceptibles d'influencer le fonctionnement d'une équipe. Là où le coach a par exemple un temps de parole limité en lan, il peut souvent s'exprimer beaucoup plus en ligne, où les organisateurs ne peuvent pas tout le temps contrôler ce paramètre. Il leur serait impossible d'envoyer des admins chez les joueurs ou dans les locaux des formations en bootcamp. La synergie d'un cinq peut ainsi se retrouver bouleversée par la présence d'un coach qui prendra le lead à son compte et permettra à ses poulains de se concentrer pleinement sur leur viseur, chose impossible à reproduire en lan où le micro du sixième homme sera coupé la majorité du temps.   

À l'inverse, des équipes se sont fait une spécialité de n'être fortes qu'en lan, ou presque, parce qu'elles ne jouent à leur plein potentiel que lorsque l'enjeu est réel, direct, presque palpable. Les anciens Virtus.pro, version polonaise, avaient cette réputation, qui remonte même aux versions plus anciennes du Golden Five, sur Counter-Strike 1.6. Plus récemment, Na'Vi avait complètement abandonné les rencontres en ligne (0 match joué sur Internet en 2019 !) tant le niveau qu'elle affichait ne représentait pas ce qu'elle valait réellement en lan. Des exemples célèbres existent même pour illustrer ce phénomène, dont le plus célèbre reste sans doute Gambit en 2017, qui avait montré un jeu déplorable sur le net quelques semaines avant de remporter le PGL Major.

On perdait tous nos matchs et tous nos praccs sur Internet. Je crois qu'on est juste très mauvais en ligne. On essayait autant qu'on pouvait, mais on n'arrivait pas à gagner. On ne savait pas quoi faire, mais on continuait de s'entraîner, de s'entraîner, de s'entraîner, et aujourd'hui voilà le résultat.

HObbitinterviewé après les premières victoires de Gambit lors du PGL Major

Six mois plus tard, c'était au tour des Quantum Bellator Fire de vivre un rêve éveillé lors de l'ELEAGUE Major 2017 en décrochant le statut de Légende, alors que l'équipe se morfondait jusque-là dans les profondeurs des ligues en ligne :

Il y a un mois, on perdait en ligne contre du tier 5, on avait des mauvais résultats, on n'arrivait pas à trouver notre jeu. On a joué en bootcamp pendant un mois, on perdait beaucoup de praccs. Et quand on a joué ici, tout était bien...  Je ne sais pas quoi dire, vraiment.

waterfaLLZ, encore sous le choc après la performance de son équipe

Évidemment, tout n'est pas tout noir ou tout blanc. Il se trouve également des joueurs ou équipes très fortes en ligne, et aussi en lan. Selon l'expérience, le style de jeu ou même la préparation mentale, les différences entre Internet et la réalité s'avéreront plus ou moins fortes. Elles existent cependant bel et bien, et au moment d'analyser certains résultats, c'est un critère clé à prendre en compte.

Twistzz dans son salon, Twistzz en lan : deux salles, deux ambiances, et une expérience de jeu bien différente

Alors certes, Counter-Strike en ligne, ça reste du Counter-Strike. Mais à très haut niveau, lorsque les enjeux sont importants, ce n'est donc pas vraiment pareil, et ce même si le cashprize ou le titre final ne bougent pas. Le public ne rugit pas. La pression diminue drastiquement. Les actions spectaculaires perdent un peu de leur saveur. Si les surprises ne deviennent pas forcément légion, elles sont toutefois plus attendues et considérées comme moins étonnantes. Sur Internet, ce n'est ni aussi prestigieux, ni aussi mémorable.

L'histoire s'écrit avant tout en lan. Ici, à circonstances exceptionnelles, et parce que personne n'a vraiment eu le choix, peut-être qu'un tel constat pourra être légèrement atténué. Il demeure néanmoins certain que les récits futurs sur l'année 2020 de la scène CS:GO n'oublieront pas de préciser en bas de page : *tournoi en ligne.

Merci à Ap-3 pour la bannière et à Chouca pour son cultissime "C'est Internet" !

Très très bon article.

Effectivement, que ce soit 1.6 ou csgo, je crois n'avoir jamais vu aucune équipe polonaise ou cis (russe, ukrainienne, Kazakhstan,...) réellement performer sur internet. C'est ce qui a souvent mener ces équipes à "surprendre" dans les majors ou autres. Et un représentant de Valve avait d'ailleurs dit sur Reddit que réserver des qualifs pour cette région n'était pas uniquement une question de "ping". La réputation des teams CIS à ne pas savoir jouer en ligne avait d'ailleurs conduit B1ad3 et Flipsid3 à reserver ses strats pour les majors ou les très gros évènements.

On a aussi des exemples un peu inverses qui remontent à 2000-2002, ou des équipes telles que celle de SpawN et ScreaM (le suédois - qui avait d'ailleurs le même style de jeu que le belge) dominait tout le monde en ligne, en jouant à partir d'un cybercafé, en environment lan donc, car ils avaient un avantage considérable (pouvoir regarder le moniteur de tes mates, communiquer de manière plus effective, avoir un meilleur ping)...et une fois arrivé en tournoi LAN, ils se faisaient rouster par tout le monde car ils finissaient par jouer dans les même conditions que tout le monde. Il me semble que l'équipe devait être Realitysucks, ou Matrix.
Pour chrisj et les soucis de ping, ça m'a subitement rappelé ceci :
https://www.dailymotion.com/video/x103ug3 x)
Nice one ! ;-)
En réponse à Isiana #2 - Répondre à ce commentaire
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chouca à l'honneur mdr
Ceci dit, la seule équipe qu'on aurait pu attendre dans la seconde phase de l'ESL Pro League et qui n'y est pas, c'est G2. Et parmi les équipes qualifiées, il n'y a pas vraiment de surprises.
Alors oui, les surprises arrivent, mais elles sont ponctuelles. Globalement, les meilleures équipes restent au dessus.

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