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Counter-Strike et la politique
Article rédigé par MrHusse
L'histoire du sport est parsemée de moments où la politique fit irruption sur le terrain de jeu, où les acteurs se servirent de leur fonction pour faire passer un message. Même les arènes modernes les plus aseptisées n’échappent pas à cette tension entre sport et politique, que l’on pense aux revendications antiracistes de Colin Kaepernick en NFL ou aux messages ouvertement féministes de Megan Rapinoe sur les terrains de football. Mais quid de CS:GO ?
De prime abord, CS:GO semble être totalement hermétique à tout discours politique. On peine à se souvenir de joueurs, pourtant les acteurs centraux de ce champ, prendre une position revendicatrice ou politique, a fortiori pendant une compétition, alors que la médiatisation est à son paroxysme et que le message aurait son impact le plus fort.
Des joueurs muets ?
Récemment, on se rappelle pourtant de certains casters s'opposant publiquement à l’accord de BLAST avec l’Arabie Saoudite, annonçant leur refus de travailler avec l’organisateur de tournois s’il maintenait ses liens avec le régime wahhabite. Côté joueurs, en revanche, le mutisme fut total. Ils ne s’étaient d’ailleurs pas plus exprimés quelques mois plus tôt lors de l’organisation du Gamers Without Borders par ce même pays ou lors d’événements passés en lien avec des régimes comme Bahreïn, les Émirats Arabes Unis ou la Chine.
Une situation d’autant plus paradoxale que les acteurs politiques, eux, ont pleinement saisi le potentiel de propagande que pouvait offrir l’esport et Counter-Strike. De plus en plus de régimes dictatoriaux utilisent ainsi l’organisation de tournois comme manière d’améliorer leur image dans des stratégies plus globales de whitewashing. On a longement évoqué sur VaKarM la stratégie saoudienne à ce sujet. On se souvient aussi du très médiatisé coup de téléphone de Jair Bolsonaro, président ultraconservateur du Brésil, à FalleN, légende du CS carioca. D’autre fois, l’instrumentalisation est plus discrète, généralement par le biais de contrats de sponsoring, comme lorsque l’armée de l’air américaine était devenue un partenaire financier de Cloud9 à l’été 2018.
De fait, alors que l’influence culturelle de CS:GO et les tentatives de récupération par divers acteurs politiques, souvent peu recommandables, ne sont plus à démontrer, les joueurs continuent de ne rien dire, que ce soit individuellement ou collectivement.
Un profil specifique
Une première explication de l’apolitisme apparent des joueurs pourrait se trouver dans leur profil. De fait, les trajectoires préférentielles pour devenir professionnel sur CS:GO privent ces individus de la fréquentation d’espaces de socialisation et de politisation traditionnels pour les adolescents et les jeunes adultes.
Au-delà de la raréfaction des contacts familiaux à cause du temps de jeu requis pour "faire son trou", le choix d’une carrière sur CS signifie généralement l’absence d’expérience professionnelle classique ou d’études prolongées. Que ce soit le monde de l’entreprise ou les universités et autres lieux d’enseignement, ils sont, après la famille, les endroits privilégiés de la politisation des individus. En se privant de ces expériences, ces jeunes adultes, encore en pleine construction intellectuelle, échappent aux processus que connaissent de larges pans de la population.
De même, si on se place dans une perspective intersectionnelle, on ne peut que remarquer l’uniformité des joueurs professionnels de CS:GO : des hommes blancs de 17 à 35 ans. Si l'on peut trouver, ça et là, des joueurs racisés dans des équipes du top (Stewie2K, Brehze, refrezh ou encore Nivera), ils représentent une infime minorité à l’échelle de l'ensemble des professionnels.
Dans d’autres sports, la revendication arrive régulièrement par des pratiquants issus de groupes dominés à l’échelle de la société : ouvriers dans le football des années 1930, immigrés issus des colonies dans les années 1960, femmes et minorités racisées aujourd’hui. Force est de constater que ces catégories sont quasi-inexistantes sur la scène internationale à l’heure actuelle et que la plupart des joueurs appartiennent à des communautés considérées comme "dominantes".
Les gagnants du capitalisme sans contrôle
Pis encore, au-delà de leur statut au sein de la société en général, les joueurs sont aussi les gagnants de l’écosystème du jeu. Entre des organisateurs de tournois qui fonctionnent à flux tendu et des équipes qui perdent de l’argent dans l’espoir d’un hypothétique retour sur investissement, les joueurs empochent des salaires mirobolants, plusieurs dizaines de fois supérieurs au revenu médian de leur pays d’origine.
Ce serait là une autre piste d’explication à leur atonie revendicatrice : que ce soit sur des sujets sociaux, politiques ou plus directement liés au jeu, ils n’ont tout simplement rien à revendiquer car ils sont les principaux bénéficiaires du statu quo qui domine le champ de Counter-Strike. Profitant de l’inflation salariale du milieu des années 2010, la rareté de leur talent en fait des commodités recherchées par les structures, leur permettant d’occuper une position forte dans la négociation contractuelle.
Un Premier ministre tout trouvé
La question qui se pose alors est celle de la conscience qu’ils ont de leur rôle et de leurs privilèges dans ce système. Une partie d’entre eux laisse peu de place au doute, optant notamment pour des stratégies d’exil fiscal visant à maximiser leurs revenus gonflés en s’installant à Andorre ou Malte, territoires devenus des hubs de l’esport grâce à leurs conditions d’imposition favorables. Ceux-ci sont les plus éloignés d’une quelconque capacité de mobilisation sociale ou collective. Au contraire, leur logiciel intellectuel serait plutôt à chercher dans les dystopies libertariennes d’Ayn Rand, avec une façade d’apolitisme dissimulant une participation enthousiaste à l’anomie ultralibérale qui domine l’esport.
Mais pour la majorité des joueurs, ce constat doit être tempéré. Bien qu’objectivement membres de groupes dominants de la société, leur faible politisation peut aisément les rendre discrets, voire silencieux si un organisateur ou un manager l’exigeait. De fait, si certain.e.s sportif.ve.s prennent le risque de se positionner politiquement, il n’est pas rare de voir des instances comme la FIFA ou le CIO les sanctionner et tout faire pour réfréner ces tendances.
La plupart des joueurs professionnels de CS ne seraient alors pas forcément d’affreux capitalistes dominants prêts à sacrifier toute morale pour maintenir leur position, mais simplement des individus politiquement immatures et socialement atomisés situés dans un champ en évolution permanente, rendant difficiles les prises de conscience personnelles fortes et les mobilisations collectives signifiantes. Ne subissant pas forcément au premier chef les injustices systémiques des sociétés dans lesquelles ils vivent, concentrés sur la maximisation d’une carrière excessivement courte et incertaine, ils n’ont pas forcément le temps ni l’habitus pour s’intéresser aux problématiques et à la complexité du monde qui les entoure.
Très intéressant à lire ce petit article, belle réflexion, merci !
Tu soulèves un point intéréssant, mais oui la plupart des joueurs de FPS sont blancs typé caucasien.
Et les FPS là ne plaisent pas du tout a la population asiatiques plutôt attirés par les RPG / Moba / RTS etc ... Est-ce qu'il y a des gènes qui nous prédisposent a certains types de jeux en fonction de notre ethnie ? Ou est-ce plutôt culturelle ? ( Pas de " ouai mais moi j'ai un pote asiatique qui joue a cs " ) On parle de la masse. Vous avez 4 heures
De mémoire y avait pas mal de teams asiatiques sur CS 1.X, je crois que c'est purement culturel et politique. Je crois avoir vu sur un blog (In Esport we trust je crois, offline depuis) un papier qui disait notamment qu'à une époque les FPS ont été jugés trop violent par les gouvernements (notamment Coréen, Chinois aussi peut etre ?) et du coup mis de coté au profit des STR puis plus tard des MOBA.
En réponse à Keepon #2 - Répondre à ce commentaire
Overwatch : il y a toujours eu des équipes asiatiques / APEX : je sais que y a aussi une certaine présence asiatique.
Sur les 2 dernières années de Valorant : Equivalent Major 2024 : 1er une équipe chinoise Deux gros tournois 2024 : une équipe coréenne a fait 1ère et 2nde Equivalent Major 2023 : 2nde une équipe d'asie du sud-est Alors oui c'est "récent", mais comme le dit SekYo y a pleins de facteurs plus culturels et politiques qui entrent en jeu (de mémoire y a déjà eu un article à ce sujet sur Vkm de mémoire). Et surtout, il ne faut pas aussi oublier que pendant longtemps une grosse partie de l'Asie préférer jouer à Crossfire (la contrefaçon chinoise de CS, qui est visiblement toujours actif en esport d'ailleurs, si j'en crois Liquipedia). Bref, la réponse elle est vite répondue, pas besoin d'avoir 4h :>
En réponse à Keepon #2 - Répondre à ce commentaire
Mais évidemment que c'est culturel, c'est comme si on disait que les indiens ont le gène du cricket et pas les autres, c'est pas malin...
En réponse à Keepon #2 - Répondre à ce commentaire
Je pense pas que ça soit si évident.
Il y a bien des prédispositions ethnique en fonction des sports. On le voit bien sur le 100m course a pied, ou sur les épreuves de natations. C'est un peu plus compliqué à prouver (ou pas d'ailleurs) quand il s'agit de predispositions psychique.
En réponse à Ptikrazy #5 - Répondre à ce commentaire
Mouai, méfis-toi avec ce genre d'analyse "ethnique" qui peut vite emmener sur une pente glissante à voir les choses sous le prisme de la génétique et finir sur des bons clichés raciaux.
Des éléments de réponses sont souvent d'ordre matériels, sociétaux/culturels. Si tu prends l'exemple de la natation tu penses pas que le manque d'infrastructures en terme de piscine fait que certains pays d'Afrique ne soient dans les top nations ? Cet exemple peut s'appliquer à beaucoup de sports. Tous les sports d'hiver vont par exemple peu être pratiqué par des pays du sud pour des raisons évidentes de manque de neige. Si tu prends les top nations aux JO, les moyens financiers des pays jouent à mon avis beaucoup plus que des possibles prédispositions. Regarde la chine qui depuis qu'elle est une puissance économique majeure a investie massivement dans le sport et truste les 1eres places des JO depuis un moment. Après je ne remet pas en cause non plus le fait qu'il y ait des prédispositions génétiques pour certains sports suivant les êtres humains (il y a des grands, des petits) mais de le rattacher à un caractère ethnique c'est plus discutable. Puis là on parle quand même d'eSport qui demandent moins de caractères physiques spécifiques pour performer. Je reste persuadé sur ce type de discipline que les femmes et les hommes pourraient jouer dans la même catégorie et que les explications entre la différence de niveaux entre genre est plus à aller chercher du coté sociologique de l'Esport et de la partique du jeu vidéo en général. Mais bon je suis déjà assez long et ça mériterait encore de longues lignes pour développer tout ça.
En réponse à Keepon #6 - Répondre à ce commentaire
C'est le genre de débat que mon commentaire initial souhaitait amener.
Concernant le physique, il y a clairement des prédispositions ou des spécificités en fonction de l'ethnie, comme la moyenne de taille chez les Hollandais, la proportion qu'ont les Africains a produire du muscle par rapport aux caucasiens, les asiatiques sont généralement plus petit On peut dire ce genre de choses sans aucune arrière pensée non ? Je pense pas être sur une pente glissante en tout cas. Concernant l'eSport, les scientifiques sont assez d'accord pour dire qu'on comprend assez peu le cerveau humain. Pourquoi la majorité des serials killeurs sont des hommes, etc ... Il y a bien des différence, et donc peut être des prédispositions dans certains domaines. Bref, il faudra attendre que la science évolue encore pour avoir le fin mot de l'histoire
En réponse à RockaBibi #7 - Répondre à ce commentaire
Ce que j'essaye de te dire c'est que tu ne peux pas avoir des clefs de compréhension que sur les origines ethniques et par le prisme de la génétique. Et si tu persistes à ne te focaliser que la dessus je maintiens que c'est une pente glissante. Je te fais pas de procès de mauvaises intentions mais en ayant cette grille de lecture on finit par catégoriser en fonction de l'ethnie pour pas dire race et on tire des conclusions qui oublient des facteurs qui je pense sont bien plus importants dont je parlais précédemment
Après le débat est intéressant mais je t'invite à t'intéresser tout autant aux sciences sociales qui vont te donner des réponses bien plus solides sur ce type de sujet et notamment sur pourquoi les hommes sont plus violents (vu que tu en parles) et que pas c'est juste qu'ils ont le gène de la violence ou beaucoup de testo ! Puis si je reprends tes exemples de Hollandais plus grand ou africains plus fort (sachant que Africains c'est un continent assez vaste mais je comprend ce que tu entends par Africain...), il y a plein de sports ou ces nations/ethnies (comme tu dis) ne sont pas représentés. Il me semble pas que les hollandais soient particulièrement présents au basket et au volley et il y a plein de sports ou la force est mis en avant ou il n'y a pas "d'africain" (rugby, lutte, halterophilie). Si tu suis le MMA, tu pense qu'au Daghestan ils ont un gène ou une prédisposition à la bagarre ? Non c'est juste que la lutte est le sport national et que depuis tout petit, tous les petits garçons en fond. Pour en revenir à ce que tu disais initialement si les asiatiques jouent moins aux FPS, tu penses qu'il y a vraiment un gène qui les dégoûtent du FPS ou qui font qu'ils sont nuls pour cliquer des têtes ? Tu te rends bien compte que ça semble ridicule ? edit : désolé j'ai pas utilisé le bouton répondre au commentaire. C'est bien une réponse au #8 |